Pierre MANHÈS
les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918
Pierre Manhès, 18e régiment d'Artillerie (source)
Pierre MANHÈS
Pierre Manhès est né le 10 mai 1897 à Lyon (Rhône). Il est mort le 1er juillet 1916 à La Carrière de l'Éclusier (Somme), le premier jour de la grande offensive de la Somme. Il avait dix-neuf ans.
Il s'engage et arrive au 16e régiment d'artillerie à Issoire (Puy-de-Dôme) le 27 mars 1915.
En octobre 1915, il était artilleur au 18e régiment d'artillerie, à la 111e batterie de tranchée équipée de mortiers de 240 ; cette batterie n'opérait pas avec son régiment d'origine mais était mise à disposition de la VIe Armée (source).
- «Le 1er juillet à 13h, dans le petit boyau d’accès à la position (Carrière de l’Éclusier) un obus lacrymogène qu’on n’entendit pas venir éclata à proximité, tuant le brigadier Manhès, le maréchal des Logis Bais et le sous-lieutenant Claise. Le brigadier portait des blessures au visage, au bas ventre et aux jambes causées par des éclats, il succomba de la suite de ses blessures et peut être de la commotion produite par l’obus».
Extrait de la lettre du 14 juillet 1916 adressée par le capitaine Vernier commandant la batterie à la mère de Pierre Manhès.
Le 2 juillet, il a été enterré au cimetière du Verger à Cappy, dans la Somme. Puis sa dépouille a été transférée au cimetière de Loyasse (Lyon) dans le caveau familial.
fiche matricule de Pierre Manhès
fiche matricule de Pierre Manhès, né le 10 mai 1897
Pierre Manhès
de Lyon
Pierre Manhès arriva au Collège de Saint-Chamond à la rentrée d’octobre 1912. Élève de Seconde, dans la division des grands, il ne fit rien pour se faire remarquer ; c’était un modeste et un silencieux, mais des habitudes de piété très arrêtées, une application au travail toujours égale et inlassable le classèrent bien vite parmi les bons élèves.
Ses maîtres qui le connaissaient davantage constatèrent avec plaisir que chez lui le caractère était déjà formé ; mais il ne connurent pas tout de suite ce qui était comme le secret de cette âme : un sentiment très fort et très cultivé avait mis dans ce jeune homme une décision unique et fixe qui immobilisait toute sa vie intérieure dans la même direction et sur une seule voie ; ce sentiment c’était le patriotisme : question d’hérédité sans doute (il y avait eu des officiers de grande valeur dans sa famille), autant que du tempérament ; le fait est que, grâce à un patriotisme ardent, le sacrifice à la patrie était le rêve intime et caressé par ce jeune homme plutôt fermé qu’exubérant.
Ce patriotisme était davantage une flamme intérieure qu’un besoin d’activité extérieure. Qui s’en doutait parmi ses maîtres et ses condisciples ? Et si quelques paroles trahissaient ce rêve, qui les prenait au sérieux et leur attachait plus d’importance qu’à des pensées familières aux jeunes gens ? C’était cependant un cas très spécial ; cet élève qui à cause de son sérieux, de sa régularité et de son habitude d’agir beaucoup, vite et sans bruit, fut dès cette première année au Collège de Saint-Chamond choisi comme sacristain.
Ce jeune homme avait plusieurs cahiers où il recopiait des passages d’ouvrages patriotiques, tout ce qui avait trait aux sacrifices et aux dévouements à la patrie ; les cahiers ne parlaient que de la patrie, du bonheur de s’offrir et de mourir pour elle.
On a trouvé dans ses papiers d’autres petits cahiers où il notait les faits les plus intéressants de la vie de collège ; il y donne une place à part aux congés, surtout aux sorties de la fanfare. La fanfare faisait vibrer toute ses aspirations militaires. La fanfare dans un collège joue un rôle comme la fanfare dans un régiment. Sait-on ce qu’elle éveille dans l’âme des jeunes gens ? Celui qui écrit ces lignes se souvient de ne s’être jamais réveillé au collège, le jeudi, sans penser : aujourd’hui, c’est jeudi, il y a «fanfare» ; pourtant il ne faisait pas partie des musiciens. Grâce à la fanfare, le jeune Manhès se croyait déjà soldat et son âme un peu concentrée prenait son essor sur les pas bien marqués d’un morceau exécuté pendant les promenades des congés.
Voilà le jeune homme que la déclaration de guerre trouva à la fin de sa rhétorique. Ces vacances 1914, il les passa tout entières à se dévouer en montant la garde la nuit sur les ponts ou sur les routes, en accompagnant des officiers, en se mettant à la disposition des services de la mairie. Que la rentrée scolaire dut lui coûter !
Cependant on ne s’en aperçut ni dans son travail ni dans sa conduite ; mais sa vocation si prononcée était trop exigeante pour qu’on ne fût pas obligé d’y céder et à peine eut-il l’âge de s’engager, rien ne put le retenir.
Il fut tout de suite soldat et soldat modèle ; car ce n’était pas seulement la haine de l’ennemi qui lui faisait accepter les durs sacrifices de la vie de caserne au dépôt, et de la vie au front, c’était aussi l’amour du métier ; il aimait tout dans la vie du soldat, la discipline et les travaux, tout ce qui la caractérise, et prenant le plus largement possible sa part des fatigues et des tâches ingrates et difficiles il conquit l’estime de ses chefs et l’affection de ses camarades. Ses chefs s’accordent tous pour signaler sa conduite toujours satisfaisante, son ardeur même un peu téméraire, son patriotisme poussé jusqu’à l’extrême.
Ses camarades de régiment, ces humbles dont le cœur voit parfois si juste l’aimaient beaucoup. Plusieurs écrivent encore à la mère du jeune Manhès. Les deux lieutenants qui commandèrent la batterie où il se trouvait eurent pour lui une affection réelle, mêlée d’estime ; l’un a été tué à côté de lui par le même obus ; l’autre, le capitaine Vernier, facilita aux deux pauvres mères atteintes le même jour le pèlerinage aux chères tombes de leurs enfants.
Pierre Manhès avait été proposé pour deux citations. Dans l’une, à l’ordre de la Division, le capitaine avait mis :
- «Nature d’élite ; toujours volontaire pour des missions périlleuses, s’est dévoué plusieurs fois pour assurer les liaisons téléphoniques sous de violents bombardements».
Pierre Manhès avait demandé à passer dans l’infanterie, trouvant que dans les crapouillots on n’était pas assez exposé (et cependant il l’était) ; il aurait trop voulu monter à l’assaut, entraîner ses hommes… Ses chefs ne permirent pas que sa demande fût acceptée. Il était désigné pour aller à l’école d’aspirants artillerie ; mais le bon Dieu lui a donné son galon d’or au ciel afin que la récompense fût plus belle. Il désirait vivement le galon et disait qu’il le mettrait à Notre-Dame de Valbenoite dont il avait été le sacristain.
Il semble que Notre-Dame de Valbenoite n’oublia pas l’élève qui se donnait tant de peine pour orner son autel ou préparer les illuminations de sa statue pendant la neuvaine préparatoire au 10 juillet. Elle recueillit son âme sur le champ de bataille le 1er juillet 1916, un samedi, pour le faire assister du haut du ciel à sa neuvaine glorieuse.
Ce fut pendant cette neuvaine qu’on apprit au collège la mort de Pierre Manhès, et le 10 juillet, au sermon du soir, le P. Directeur, rappelant à propos du miracle de Valbenoite la tendre dévotion des premiers élèves de Sainte-Marie, put ajouter que cette dévotion se maintenait toujours ; il cita deux exemples d’élèves de générations plus récentes, celui d’un civil, père de famille, qui voyageant en chemin de fer et reconnaissant des élèves de Sainte-Marie, lui avait dit cette parole significative : «Au collège de Saint-Chamond, j’ai appris à aimer la Sainte Vierge» ; et celui d’un militaire : ce soldat c’était Pierre Manhès, type magnifique du soldat français ; le Père Directeur rappela, les élèves d’ailleurs ne l’avaient pas oublié, sa piété envers Notre-Dame-de-Valbenoite, piété que la Sainte Vierge récompensait en ce moment dans le ciel.
La mort était pour lui une récompense ; il avait tant désiré donner sa vie pour la patrie : ce martyre le hantait comme le martyre pour la foi a été la hantise de certains apôtres et missionnaires.
Sa famille connaissait son aspiration ardente pour ce genre de mort. Il pensait ce que Guynemer disait à son père : «Tant qu’on n’a pas tout donné, on n’a rien donné». Il en parlait bien simplement ; au moment du départ, il disait : «Maman, vous savez mon rêve, toujours le même : tomber pour la France, une balle au front, en un jour de victoire».
Dieu l’a exaucé ; il est tombé en preux, face à l’ennemi, beau soldat, fier chrétien, en un jour de victoire, peu de temps après avoir fait ses dévotions à Notre-Dame-de-Fourvière et avoir offert formellement à Dieu le sacrifice de sa vie pour la France.
Nous avons dit qu’il fut vivement admiré et regretté de ses camarades, de ses chefs et de tous ceux qui ont connu son âme ardente et pure. Voici quelques extraits des lettres du capitaine Vernier :
- «Manhès était une belle figure de soldat français ; c’était un garçon d’élite et d’un dévouement extrême. Ses services à la batterie dépassaient de beaucoup ceux d’un homme de son âge et de son grade ; il eut fait un excellent officier.
Nous ressentons douloureusement la perte de ce jeune homme, si allant, si bon camarade, dont la carrière militaire s’ouvrait pleine de promesses. La conduite de Manhès peut être donnée en exemple pour la conception du devoir, la bravoure et l’entrain. Il était très attaché à la batterie qu’il n’eut quittée, disait-il le matin de sa mort, que pour suivre à l’assaut la première vague d’infanterie, car il était fort brave.
Nous le regrettons tous. Sa personnalité marquante et sa fin si prématurée le gravent à jamais dans notre souvenir à une place d’honneur. Tous ceux qui l’ont connu ne l’oublieront pas».
Pierre Manhès était au 16e d'Artillerie, de fin mars à fin septembre 1915
Pierre Manhès au 16e R.A.C., à Issoire,v1915 (source)
Pierre Manhès est passé au 18e régiment d'artillerie le 1er octobre 1915
18e régiment d'artillerie, 111e batterie, 2e pièce, à Bourges : Pierre Manhès, assis à gauche (source)
Pierre Manhès est mort sur la position de tir de la carrière de l'Éclusier
fond de carte tiré de : Les armées françaises dans la Grande Guerre, tome IV, 2e vol., cartes
position de l'Éclusier, septembre 1916, un départ (source)
Carrière de l'Éclusier (Somme), septembre 1916 (source)
lettre de la famille au supérieur du Collège
lettre de la famille de Pierre Manhès au supérieur du Collège (arch. mun.)
Pierre Manhès a été enterré au cimetière du Verger, à Cappy (Somme)
Cappy (Somme), cimetière militaire
Cappy (Somme), cimetière militaire du Verger, 11 février 1918 (source)
la tombe de Pierre Manhès
la tombe provisoire de Pierre Manhès, à Cappy (source)
la tombe du brigadier Manhès (source)
Lyon, cimetière Loyasse où repose désormais Pierre Manhès
nom gravé de Pierre Manhès sur la stèle de la tombe familiale, 3 juillet 2919
la stèle de la tombe familiale Manhès, cimetière d le Loyasse, 3 juillet 2019
la stèle de la tombe familiale Manhès, cimetière de la Loyasse, 3 juillet 2019
Pierre Manhès repose dans une tombe qui est une concession perpétuelle acquise le 24 août 1948 par Jacques Ravinet-Maisonnial.