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école Sainte-Marie à Saint-Chamond
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6 septembre 2018

Frédéric GOUY

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Frédéric GOUY

 

 

GOUY Henri, fiche MPLF

 

 

Frédéric Gouy est né le 26 mai 1887 à Vals-les-Bains (Ardèche). Il est mort (disparu) le 27 août 1914 dans le bois de Jaulnay (Pouilly-sur-Meuse, département de la Meuse).

Il a effectué son service militaire d'octobre 1908 à septembre 1910 au 40e régiment d'infanterie de Nîmes. Il avait alors accédé au grade de sergent.

  • Frédéric Gouy est le cousin de Jean Gouy.
  • Frédéric Gouy avait un frère qui s'appelait Georges, né le 28 juin 1893 à Vals-les-Bains et mort le 20 août 1914 à Dieuze (Lorraine), donc avant Frédéric (source : fiche "mort pour la France" et fiche matricule).

 

 

fiche matricule de Frédéric Gouy

 

Frédéric Gouy, fiche matricule (1)

Frédéric Gouy, fiche matricule (2)
fiche matricule de Frédéric Gouy, né le 26 mai 1887

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Frédéric et Jean Gouy
de Saint-Didier-sous-Aubenas et de Vogué

On peut réunir sous un même médaillon Frédéric et Jean Gouy. La parenté de leurs familles, la communauté prolongée de leurs vies, l’union de leurs morts dans le sacrifice à la patrie, autorisent cette simplification d’écriture.

Tous deux achevèrent au collège leurs études. Jean y passa depuis la classe de seconde, jusqu’à la fin de la philosophie, Frédéric son année de philosophie. Ils firent partie de cette pléiade d’élèves bien doués, laborieux, par qui l’Ardèche donna à Sainte-Marie une bonne part de renom.

Ils apportaient à l’esprit plus renfrogné, et, à certaines époques, plus terne de nos camarades lyonnais, roannais ou stéphanois, l’éclat parfois grandiloquent de leur petite patrie ensoleillée.

De ces demi-méridionaux, plusieurs répandaient autour d’eux, par leurs conversations et par leurs inventions écolières, quelque chose de la lueur rougeâtre et chaude des rochers qui bordent leurs rivières ; Jean Gouy était de ceux-là. D’autres ne se distinguaient de leurs camarades que par la trace plus profonde qu’avaient laissée en eux et la vie de famille, si resserrée parmi ces terriens et ces directeurs d’industries toutes locales, et la vie religieuse, plus consciente, plus intense, plus combative en raison des voisinages protestants et des luttes politiques. Frédéric Gouy appartenait à cette seconde catégorie.

(...)

Les souvenirs que j’ai gardés de Frédéric Gouy tiennent entre une longue lettre du 28 avril 1906 et un mot de souhaits du 31 décembre 1912.

Dans toute sa correspondance, je retrouve un esprit avide de lumière et un cœur volontairement et sagement pacifié. Le milieu familial fut pour lui ce qu’il avait été pour Jean, l’école de toutes les vertus du foyer et de la vie chrétienne, mais il eut pour lui un autre avantage, la présence de quatre sœurs qui, y demeurant, formaient de son âge, une compagnie qui ne devait pas se dissoudre et l’encadrait d’une tendresse déférente.

Lettré de tradition paternelle, de goût et de culture, il avait, lui aussi, la frénésie de la lecture et eût erré souvent dans le choix de ses livres si son bon sens et - une de ces lettres en fait foi - la loi catholique de l’Index ne l’eussent guidé et préservé. Ces lectures avaient fait de lui un philosophe avant l’âge normal, philosophe curieux et souriant de tout, jusqu’à lui-même, et pourtant sans dilettantisme. Il avait, en effet, compris que la vie vaut d’être vécue car elle réserve, avec des joies et des peines, des devoirs.

Il eut quelques peines, celles qu’impose le sacrifice.

Des joies, il en eut beaucoup : celles de l’esprit : «Ce qui me donnait envie de rester à Lyon, c’était la pensée d’aller entendre de bonne musique au Grand Théâtre, de passer un grand nombre d’heures délicieuses chez le bouquiniste». Celles du cœur : «Je crois que tant que j’ai le cœur assez jeune pour pouvoir aimer encore comme un enfant, je dois en bénir Dieu et ne pas négliger ce sentiment qu’il m’a peut-être préparé comme un moyen de salut pour les quelques années orageuses que je sens déjà venir à certains jours et pour lesquelles je suis encore si mal armé». Quant aux devoirs : «C’est vrai, nous ne sommes plus des enfants ni des jeunes gens, mais déjà des hommes et des femmes, et voilà que la vie nous apporte des devoirs d’hommes et de femmes, et qu’elle sera belle, mais qu’elle ne sera plus jolie». Il s’y préparait par le souci de tenir son âme haute, droite et surtout clairvoyante.

  • «Ma personnalité, je la voudrais pas banale, un peu élevée au-dessus du niveau commun, je la voudrais telle qu’elle m’attirât la sympathie de tous. Tout cela est passablement orgueilleux. Je veux surtout être un chrétien et un homme d’influence et de saine influence, autour de moi. Pour que cela me soit donné, si vous voulez un peu prier pour moi, j’en serais très heureux».

Il redoutait les emballements, ce qu’il appelait le romanesque, et il estimait moins dangereuse que la confusion ou l’obscurité une faute vue et voulue comme telle :

  • «La clarté est bonne, mais je trouve qu’elle ne suffit pas dans les grandes lignes, qu’il la faut aussi dans les détails, et surtout là peut-être. J’ai remarqué souvent que quand je cherche à traiter à l’amiable avec ma conscience, à entrer en pourparlers pour essayer de lui tirer le plus de concessions possibles, sans pourtant sortir de la légalité morale (ce qui est chez moi un vieux défaut), c’est toujours pour des questions de détail. Pour ce qui est grave, on le fait sans essayer de raisonner et de la fléchir un peu… ; mais comme une faute grave n’est amenée que par une moins grave, cela se réduit, en somme, à s’observer et à se méfier quand on commence à trébucher. L’âme est comme une automobile : quand on ne l’a pas nettoyée depuis trois semaines, tout se détraque et on risque fort de rester en panne dans la boue. Jamais je n’avais senti comme depuis un an la nécessité de venir aux sacrements assez fréquemment et régulièrement. Et à la pensée de ce que je serais devenu sans cela… je me demande comment il peut se faire qu’un jeune homme non pratiquant puisse rester, non pas pur, mais honnête».

Le désir de voir clair prenait chez Frédéric la rigueur d’un problème de mathématiques : «Une chose que je désirerais beaucoup, ce serait de savoir exactement ce que je suis et de savoir l’évaluation mathématique de mes qualités, de mes défauts, de mes facultés, et de mille autres choses aussi impondérables».

Pourtant, il avait tenté cette évaluation, au moins qualitative, dans une analyse qui vaut d’être reproduite :

  • «Cet esprit de respect de l’autorité que vous remarquez, je le dois à l’éducation beaucoup, comme tout ce que j’ai de bonnes tendances, mais je le dois surtout à une conformation caractéristique de ma volonté qui répugne à se décider soi-même et préfère obéir. Je ne sais pourquoi j’ai horreur de prendre une responsabilité, sans doute parce que je ne peux pas voir aussi nettement que je voudrais, le pour et le contre. Sans mon entêtement d’Ardéchois qui me fait rester fidèle en pratique à mon premier choix, alors que dans mon esprit je suis presque persuadé que j’ai mal fait et qui me faire dire : "Quand le vin est tiré il faut le boire", je crois que je passerais ma vie à vouloir une chose et puis à ne plus la vouloir, suivant ce qui me passerait par la tête. Au lieu que, quand il faut obéir simplement, ma responsabilité étant à couvert, je marche assez volontiers, pas toujours sans grogner d’abord, par exemple. Ma volonté laisse, à mon avis, beaucoup à désirer. Je me crois incapable de faire, de but en blanc, un sacrifice. Il faut que je me sois habitué à cette idée. Encore moins suis-je capable de m’imposer un sacrifice à moi-même, s’il ne m’a pas été conseillé ou ordonné, sans voir essayé le moindre moyen d’y suppléer d’une autre façon».

Pour terminer cette lettre, il écrit quelques vers inspirés par la vue d’une carte postale qu’on lui avait envoyée comme symbole : deux chemineaux, d’ont l’un, plus jeune, boit avidement au cours d’eau, pendant que le plus âgé sonde l’horizon d’un regard attentif et protégé par la main. «Celui qui regarde au loin, c’était vous qui regardiez au loin vers le but pendant que je ne songeais qu’à boire. Mais je n’ai pu m’empêcher de traduire ce symbole d’une façon plus romanesque, moins vraie, plus prétentieuse par conséquent :

Ce jeune homme c’est moi ; dès l’aube j’ai marché.
Aux pierres du chemin parfois j’ai trébuché,
Et mes souliers ont pris la poussière des routes,
La sueur à mon front vient sourdre en fines gouttes,

Je suis las et j’ai soif ; j’ai soif d’un peu d’amour.
La source, pour venir à moi, fait un contour,
Parmi le sable d’or et l’herbe de ses berges ;
Si douce est la chanson dite par les eaux vierges,
Qu’on dirait la caresse intime de ta voix.
La source est fraîche, ainsi qu’un cristal, et tu vois
Des reflets s’y bercer et le soleil y rire
Et, dans cette fraîcheur, tout un ciel qui se mire,
La source, c’est ton âme, ô chérie.

Et tandis
Qu’oubliant presque leur jeunesse de jadis,
Nos aînés ont les yeux vers l’étape lointaine,
Pensifs et dédaigneux de la claire fontaine,
Moi, je me suis penché sur l’eau pure, ardemment,
Et je bois à longs traits un peu de firmament,
Flottant sur la fraîcheur exquise de ton âme ;
Et me voici dispos et fort, un peu de flamme
Au cœur, joyeux, prêt à reprendre mon chemin,
Sûr que, quand il faudra, tu me tendras la main
Et me referas l’âme un peu plus forte et fière,
Car ma route s’en va, côtoyant la rivière.

 

Une âme de telle valeur devait passer dans la vie en inspirant à ceux qui l’ont connue la sympathie et le respect. On comprendra quelle place il avait dans le cœur des siens et de ses amis, et quelle famille il aurait su fonder. Mais la correspondance où j’ai puisé n’est qu’un moment de son évolution morale dans des conditions un peu particulières. J’ai dû laisser dans l’ombre certains traits de sa nature, donner trop d’importance relative au côté contemplatif, et pour ainsi dire passif qui existait certainement dans son âme, et pas assez à la fermeté virile et persévérante qui, associée à la douceur tranquille, en constituait le fond.

«Dès son enfance et son adolescence et pendant les années qui se sont écoulées entre sa sortie du collège et sa mort, Frédéric a montré comme traits essentiels, une grande solidité de jugement, une suite remarquable dans les idées et une volonté très tenace, ce qu’il appelait très bien «son entêtement ardéchois». S’il avait vécu, ce tempérament en aurait fait un homme d’affaires utile, un bon chef de famille et aussi un chef local digne de ce rôle. C’était déjà commencé et on ne pourrait s’empêcher de regretter que la Providence ait enlevé à la région où il vivait ce «chef», si son sacrifice n’avait été, en somme, plus fructueux et plus glorieux que tous les services qu’il aurait pu rendre dans une plus longue carrière.

  • «Après son service militaire à Nîmes et deux stages de notariat à Vals et à Lyon, la mobilisation le jeta à la frontière où il fut tué dans le combat de Beaumont d’Argonne le 27 août 1914.
    Après la retraite sur la Meuse, le 26 août au soir, le 8e Colonial campa dans un bois de sapins. "C’est là, écrivait à sa sœur un Valsois, que j’ai vu pour la dernière fois le sergent Gouy. Il était à l’écart, sous un arbre, près d’un petit feu qu’il avait allumé pour se sécher. Que fais-tu là, sergent ? lui dis-je. Il resta un moment silencieux, puis il me répondit : Je fais ma prière et je t’engage à en faire autant". Il se préparait à la mort prochaine.
    Le lendemain matin, 27, je chargeais à côté de lui, a raconté à son retour de captivité, un brave paysan des environs. Je le vis tomber tout à coup ; mais je ne pus m’arrêter et continuai à courir en avant. C’était le feu de la seconde ligne qui l’avait atteint avec bien d’autres. Nous nous repliâmes et je le vis étendu sur le côté, la poitrine percée de balles. Il ne donnait plus signe de vie et je crois qu’il était déjà mort. Il fallait partir ; je le laissais bien à regret, il a dû être relevé et enterré par les allemands qui ne tardèrent pas à occuper le lieu du combat».

«Nous serons là pour les arrêter», avait déclaré Frédéric un jour qu’on parlait des projets des Allemands de marcher sur Paris.

Quelques jours plus tard [1], son frère Georges, autre âme d’élite sur qui Dieu avait jeté son dévolu, disparaissait.

Après avoir cheminé diversement dans leur vie de jeune homme, l’un contenant, par sagesse, l’énergie d’une nature plus équilibrée, l’autre déployant en prodigue les forces d’un tempérament plus violent, ils se sont rendus, soumis tous deux à la loi traditionnelle du don de soi à la patrie pour l’amour de Dieu, sur le champ de bataille et s’y sont sacrifiés pour la France.

Celui qu’attirait la vie publique est mort lentement, entouré, assisté, presqu’en apothéose. Celui qui cachait ses émotions et répugnait à s’ouvrir est tombé d’un coup, seul, presqu’ignoré.

De Jean, la tombe est au cimetière d’Épinal, signalée par une croix et son cher nom. De Frédéric, l’épitaphe seule demeure, en l’air pour ainsi dire, sans lieu précis, sans nom, mais marqué d’un mot sorti du cœur de ses hommes : «Notre pauvre sergent».

1 - En réalité, Georges Gouy, frère cadet de Frédéric, est mort le 20 août 1914.

 

 

 

Frédéric Gouy a effectué son service au 40e R.I. à Nîmes (1908-1910)

 

Nîmes, caserne du 40e RI
caserne du 40e régiment d'infanterie à Nîmes

 

 

 

Frédéric Gouy est mort dans le bois de Jaulnay (Meuse)

 

forêt de Jaulnay, carte
le bois de Jaulnay, en partie sur la commune de Pouilly-sur-Meuse

 

bois de Jaulnay, en venant de Pouilly (Google maps, mars 2011)
le bois de Jaulnay, en venant de Pouilly (Google maps, mars 2011)

 

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bois de Jaulnay (source)

 

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bois de Jaulnay (source)

 

foret16
bois de Jaulnay (source)

 

 

 

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