Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

école Sainte-Marie à Saint-Chamond

école Sainte-Marie à Saint-Chamond
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
13 septembre 2018

Pierre FULCHIRON

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

Pierre Fulchiron, photo-portrait
Pierre Fulchiron

 

 

Pierre FULCHIRON

 

 

FULCHIRON Pierre, fiche MPLF

 

Pierre Fulchiron est né le 24 janvier 1883 à Rive-de-Gier. Il est mort le 16 septembre 1914 à la ferme de la Carmoye (Oise). Il avait trente-et-un ans.

Il a fréquenté le collège Sainte-Marie d'octobre 1892 à juillet 1900.

Il était clerc de notaire.

Pierre Fulchiron était caporal au 38e régiment d'infanterie.

 

acte de naissance Pierre Fulchiron, 24 janv 1883
acte de naissance de Pierre Fulchiron, 24 janvier 1883

 

Pierre Fulchiron a épousé Joséphine Françoise Rouche, le 26 octobre 1909 à Lyon (2e arr.). Le couple a deux enfants :

  • Paul Jean Marie, né le 28 septembre 1910 (Lyon 5e) ; mort le 20 avril 1998
  • Gabriel Jacques Louis, né le 5 juillet 1912 (Lyon 5e) ; mort le 28 janvier 2012

 

acte de naissance Paul Jean Marie Fulchiron, 1910
acte de naissance de Paul Jean Marie Fulchiron, le 28 septembre 1910

 

acte de naissance Gabriel Jacques Louis Fulchiron, 1910
acte de naissance de Gabriel Jacques Louis Fulchiron, le 5 juillet 1912

 

 

fiche matricule de Pierre Fulchiron

 

FULCHIRON Pierre, fiche matricule (1)

FULCHIRON Pierre, fiche matricule (2)

FULCHIRON Pierre, fiche matricule (3)
fiche matricule de Pierre Fulchiron, né le 24 janvier 1883

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

C’est en octobre 1892 que Pierre Fulchiron est entré au collège, où il est resté jusqu’à la fin de ses études, en juillet 1900. D’une bonne famille de Rive-de-Gier, il fut toujours l’élève qu’on affectionne facilement, parce qu’il était de ceux qui mettent leur devoir à suivre la direction des maîtres avec une parfaite docilité. Aimable, consciencieux, travailleur, ces trois mots résument toute sa vie de collégien. On comprend sans peine que ces vertus d’ordre modeste, mais réellement solides, le préparaient à remplir en parfait chrétien ses devoirs de bon Français et de père de famille.

Lorsque la guerre fut déclarée, il rejoignit le 38e d’Infanterie à son dépôt de Saint-Étienne, et de là, le 7 septembre, il fut dirigé sur le front. On comprendra quelle était sa piété lorsqu’on saura qu’il envisageait comme une date d’heureux augure cette veille de la fête de la Nativité de la Très Sainte Vierge. N’était-ce point là un souvenir du collège, où ces dates sont si souvent rappelées aux générations de Sainte-Marie, pour donner, à leur piété, pendant les vacances, quelques points de repère, plus faciles à retenir.

Bien qu’il laissât derrière lui une femme et deux petits enfants, il partait plein de courage. Grâce à sa nature optimiste, il envisageait l’avenir avec confiance et se plaisait à multiplier les appels réconfortants…

Mais bientôt, l’on entendit plus parler de lui ; aucune nouvelle du cher absent n’arrivait à son foyer. Était-il prisonnier ? Était-il tombé, comme tant d’autres, victime anonyme du devoir ?

Hélas ! il fallut bien se rendre à la triste réalité. Le 15 septembre, au combat de la ferme de la Carmoye, dans l’Oise, il avait été blessé, et désormais il devait compter parmi ces disparus que nul n’a pu glorifier d’une récompense d’honneur précise, mais que nous saurons toujours associer aux plus intéressants d’entre nos défenseurs.

Mort pour la patrie : c’est là, sous une forme banale, une oraison funèbre dont rien n’atténuera l’éloquence.

 

 

 

Pierre Fulchiron a effectué 3 ans de service militaire, de 1904 à 1907 :


     ...dont un an au 38e régiment d'Infanterie de Saint-Étienne

 

caserne 38e, Saint-Étienne (1)
caserne Rullière (auj. disparue) à Saint-Étienne qui abritait le 38e RI

 

caserne 38e, Saint-Étienne (2)
caserne Rullière (auj. disparue) à Saint-Étienne qui abritait le 38e RI

 

 

     ...et deux ans à la 20e section des secrétaires d'état-major

 

capitaine 20e SEMR, 1915 (1)
un commandant de la 20 section des secrétaires d'état-major, en 1915

 

capitaine 20e SEMR, 1915 (2)
un commandant de la 20 section des secrétaires d'état-major, en 1915

 

 

 

Pierre Fulchiron est mort au combat de la ferme de la Carmoye (Oise)

 

la ferme de Carmoye, croquis de la zone
croquis tiré de l'Historique du 86e RI, capitaine Bonnet, 1919, p. 21

 

Diapositive1
ferme de la Carmoye, Cannectancourt (Oise) ;
croquis tiré de l'Historique du 86e RI, capitaine Bonnet, 1919, p. 21

 

 

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
12 septembre 2018

Francisque des GARETS

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Francisque des GARETS

 

 

De Garnier des Garets Francisque, fiche MPLF

De Garnier des Garets Francisque, fiche MPLF 2

 

 

Francisque des Garets est né le 2 novembre 1892 à Paris (XVIe arr.). Il est mort le 6 novembre 1914 à à Strasbourg (la liste des tués indique, par erreur, le 22 août ; et la notice du Livre d'or donne le 22 novembre). Il avait vingt-deux ans.

Les deux fiches MPLF (mort pour la France) ainsi que l'acte de naissance permettent d'établir que son nom complet est : de Garnier des Garets ; et que ses prénoms officiels sont : Charles François.

Il appartenait au 11e bataillon de Chasseurs alpins.

 

 

acte de naissance de Charles François (Francisque) de Garnier des Garets

 

acte naissance De Garnier des Garets Charles François
acte de naissance de Francisque (Charles François) de Garnier des Garets, 2 novembre 1892

 

transcription

L’an mil huit cent quatre-vingt-douze, le cinq novembre à trois heures du soir, acte de naissance de Charles François de Garnier des Garets, du sexe masculin, né le deux novembre courant à cinq heures du soir au domicile de ses père et mère ; fils de Louis Gabriel de Garnier des Garets, âgé de vingt-six ans, rentier, et de Antonia Bernaldo de Quiros, âgée de vingt ans, rentière, mariés, domiciliés à Paris, avenue Montespan, 10.

Acte dressé par nous, Léon J…, adjoint au maire, officier de l’état civil du seizième arrondissement de Paris, sur la présentation de l’enfant et la déclaration faite par le père en présence de, etc.

 

 

fiche matricule de Charles François (Francisque) de Garnier des Garets

 

fiche matricule de Charles François de Garnier des Garets
fiche matricule de Charles François de Garnier des Garets, né le 2 novembre 1892

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Francisque des Garets
de Saint-Donat

D’une nature ardente, pleine d’entrain, Francisque des Garets s’était engagé à 18 ans, en 1911, dans le 11e bataillon des Chasseurs alpins. Il était sergent, lorsque la guerre fut déclarée. Sa carrière militaire fut alors très courte, car il fut une des premières victimes de tant de combats meurtriers.

Parti pour les Vosges, au début du mois d’août, il fit pendant ses quelques jours de campagne l’admiration de ses chefs et de ses hommes. On ne pouvait s’empêcher de rendre hommage à sa bravoure, à son mépris du danger, à sa valeur entraînante. Il fallait qu’il courût le premier là où il y avait un péril à craindre.

C’est en entraînant sa compagnie à l’assaut qu’il tomba, frappé d’une balle à la tête [1]. Pendant plus de douze heures, il resta étendu sur le champ de bataille ; puis recueilli par les Allemands, il fut transporté dans un hôpital de Strasbourg, sous la direction des sœurs de Saint-Vincent de Paul. Ses gardes malades, religieuses alsaciennes, très sympathiques à la France, firent tout pour le sauver et adoucir ses cruelles souffrances. Elles n’eurent qu’à encourager les sentiments de piété de leur petit soldat. Le jeune sergent se voyait mourir et offrait généreusement sa vie pour la grande cause à laquelle il avait sacrifié sa jeunesse.

On eut un instant l’espoir de le sauver : l’opération du trépan semblait avoir réussi. Mais la méningite redoutée se déclara et il mourut le 22 novembre.

On sait qu’il fut enterré avec les honneurs de la guerre, au cimetière de Strasbourg, à côté de deux autres officiers, un Français et un Anglais, tous les deux prisonniers comme lui.

1 - Curieuse coïncidence, le matin même de cette fatale journée, il avait été nommé sous-lieutenant. Hélas ! il ne devait pas jouir longtemps de cette gloire militaire.

 

 

 

Francisque de Garnier des Garets est mort à l'hôpital de Strasbourg

 

Strasbourg, hôpital militaire Gaujot (1)
Strasbourg, hôpital militaire : est-ce là qu'est mort Francisque de Garnier des Garets ?

 

Strasbourg, hôpital militaire Gaujot (2)
Strasbourg, hôpital militaire : est-ce là qu'est mort Francisque de Garnier des Garets ?

 

 

 

 

- retour à l'accueil

11 septembre 2018

Charles GIGNOUX

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Charles GIGNOUX

 

 

GIGNOUX Charles, fiche MPLF

 

 

Charles Gignoux est né le 30 août 1893 à Lyon. Il est mort le 1er novembre 1914, à 17 heures, au Quesnoy-en-Santerre (Somme). Il avait vingt-et-un ans.

Il était étudiant en droit. Son père était avoué à la cour d'Appel de Lyon.

Charles Gignoux est le frère cadet de Régis Gignoux, mort le 29 juillet 1918.

 

 

acte de naissance de Charles Gignoux

 

acte naissance Charles Gignoux
acte de naissance de Charles Gignoux, 30 août 1893

 

 

 

fiche matricule de Charles Gignoux

La fiche n'a pas été trouvée.

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Charles Gignoux
de Lyon

Le nom de Charles Gignoux a toujours été l’un des plus connus au collège de Saint-Chamond. Que de souvenirs il rappelle aux élèves des nombreuses générations qui ont pu connaître les représentants à Sainte-Marie de cette belle famille lyonnais !

La guerre pouvait-elle l’épargner, alors qu’ils étaient si nombreux à défendre le sol du pays. Hélas ! Elle devait choisir sa première victime en frappant le plus jeune : Charles, l’un des fils de M. Jean Gignoux, était mortellement frappé au Quesnoy-en-Santerre, le 1er novembre 1914, à l’âge de vingt ans.

En se rendant à la ligne de feu, il écrivait à sa mère : «Priez… Je pars sans peur, vive la France ! Demain j’irai au feu sans trembler. J’ai confiance en Dieu et ne redoute pas la mort. Le soldat tombé à l’ennemi est un martyr. Je ferai mon devoir courageusement et m’en remets à la volonté de Dieu».

Charles Gignoux a écrit un carnet de route où il note jour par jour ce qui lui arrive. Ce journal est un tableau fidèle de la guerre, de ses fatigues, de ses dangers, des dangers surtout.

On y suit Charles Gignoux depuis le moment où, le 13 août, il arrive à la frontière, où il arrache les poteaux allemands, où il entend la première fusillade, sur les cols des Vosges et dans les vallées de l’Alsace, jusqu’au delà de Bourg-sur-Bruche. C’est la guerre de campagne, combat continu. On admire la netteté de ce récit, le sang-froid qu’il révèle. Écrit au sifflement des balles, il montre la valeur du soldat qui devient rapidement caporal, sergent, reçoit les félicitations de ses chefs, s’improvise chef lui-même, pour rallier, pour entraîner ses camarades.

Dans ce tableau où les épreuves de la guerre sont si fidèlement décrites, pas un mot de découragement. Pourtant, par quels moments il passe ! Le 22 août, à Bourg-sur-Bruche, il faut traverser une prairie battue par les projectiles ennemis : «C’est la marche à la mort, les obus éclatent sur nous en nous couvrant de terre. C’est par miracle que nous échappons».

À partir du 20 septembre, transporté dans la Somme, Charles Gignoux prend part au long et furieux combat de Lihons :

  • «À tout instant j’attends l’obus qui doit nous anéantir. Les maisons dégringolent, brûlent autour de nous. J’abrite mon escouade durant une heure dans une cave, puis un obus ayant écrasé la maison, nous sortons : "Mourons, je suis résigné !" nous disons-nous mutuellement, "Restons là !"»

C’est après cette terrible journée, qu’il écrit pourtant dans son journal le 4 octobre : «Le soir, un parlementaire allemand vient nous proposer de nous rendre. On ne lui a donné que le temps de regagner ses lignes. En voilà du toupet ! S’ils veulent Lihons, qu’ils essaient donc de la prendre».

De telles paroles disent la valeur d’un soldat. Qu’on en juge encore par ces mots, notés sur le carnet, le 22 août, au combat de Nompatelize :

  • «Dans une maison où nous nous arrêtons avant le deuxième assaut pour prendre un peu de répit. J’allume une cigarette, puis nous repartons sans peur. Les balles, les shrapnells pleuvent, je ne vois rien… je regarde si ma baïonnette est bien ajusté au bout de mon fusil, une prière mentale, et en avant, à l’assaut. Quels moments ! Il faut les avoir vécus !»

Ces mots sont les seuls, où très indirectement cependant, Charles Gignoux parle de lui-même ; ce qui le peint le mieux dans cette correspondance, ce qui le fait admirer, c’est l’oubli de lui-même. Il faut deviner ce qu’il a fait au milieu des exploits de ses camarades qu’il se plaît à citer. Il rapporte le mot d’un chasseur qu’il a rencontré : «Ils m’ont blessé, mais c’est pour mon pays, vive la France !» Ce qui frappe encore plus, c’est la délicatesse de ses sentiments.

Le 2 septembre, il raconte qu’il a eu la joie de rencontrer un de ses camarades de collège, Charles Beckensteiner. Plusieurs fois la Providence lui permet de revoir son frère Emmanuel, et le 3 septembre, à un moment où il souffre plus que jamais, il écrit : «Je reçois une lettre de mon frère Joseph. De le savoir près de vous, j’éprouve un soulagement infini».

Sans s’en douter, en écrivant ces pages, Charles Gignoux a tracé de lui-même une image héroïque, dont les siens ont droit d’être fiers.

 

 

fin septembre 1914, Charles Gignoux participe au combat de Lihons (Somme)

 

Lihons (1)
Lihons, le Bois étoilé, zone des combats de septembre 1914

 

Lihons (2)
Lihons, le Bois étoilé, zone des combats de septembre 1914

 

tranchée à Lihons
Lihons-en-Santerre, tranchée dans le village

 

 

 

transcription de l'acte de décès de Charles Gignoux

 

transcription acte décès Charles Gignoux
transcription de l'acte de décès de Charles Gignoux, état civil Lyon 5e, 1915

 

 

 

Charles Gignoux  est mort au Quesnoy-en-Santerre (Somme)

 

Le Quesnoy-en-Santerre -
Le Quesnoy-en-Santerre (Somme) : ruines de l'église

 

 

 

le nom de Charles Gignoux, paroisse Saint-Jean à Lyon

 

plaque paroisse St-Jean à Lyon
tout en bas, le nom de Charles Gignoux, paroisse St-Jean à Lyon

 

 

 

 

- retour à l'accueil

10 septembre 2018

Régis GIGNOUX

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Régis GIGNOUX

 

 

GIGNOUX Régis, fiche MPLF

 

 

Régis Gignoux est né le 24 janvier 1880 à Lyon (5e arr.). Il est mort le 29 juillet 1918, à 6 heures 45, au Grand-Rozoy (Aisne).

C'était un officier de carrière. Il a été admis à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1903. Promu sous-lieutenant au 16e régiment d'infanterie, puis capitaine, et enfin chef de bataillon (c'est-à-dire commandant) à titre temporaire le 8 juin 1918.

Il a été blessé le 20 août 1914 à Sarrebourg par balle de shrapnell, et le 17 mars 1916 au Mort-Homme (Verdun) par éclat d’obus.

Il meurt, dans les derniers mois de la guerre, d'une balle en pleine poitrine lors de l'attaque du village de Grand-Rozoy, dans l'Aisne, précisément à la cote 205 (Orme du Grand-Rozoy).

Cité à l’ordre du 13e corps d’Armée du 30 décembre 1914 :

  • «Très belle attitude au cours de l’attaque du 18 décembre 1914. S’étant heurté au réseau de fil de fer ennemi en un point où il était intact, a cherché un passage, puis ne l’ayant pas trouvé, est demeuré derrière une ligne d’arbres, ( ….), à proximité des lignes allemandes dans l’espoir de reprendre l’opération et n’y a renoncé qu’en se retrouvant au jour avec une poignée d’hommes».

Cité à l’ordre général du 13e corps d’Armée du 23 avril 1917 :

  • «Le 2 avril 1917, sa compagnie ayant été particulièrement éprouvée (….). A contribué puissamment à l’organisation des positions conquises en exécutant des reconnaissances périlleuses sous les plus violents bombardements. Déjà cité à l’ordre du jour».

Citation à l’ordre de la 10e Armée du 27 septembre 1918 :

  • «Le 29 juillet 1918, a conduit brillamment son bataillon à l’assaut d’une ligne de tranchées défendue avec acharnement par les troupes de la Garde prussienne et donnant un remarquable exemple de son bel esprit de solidarité s’est engagé à fond pour assurer le succès des deux autres bataillons du régiment. A été tué glorieusement à la tête de ses troupes au moment où elles atteignaient l’objectif qui leur était assigné. Deux citations, deux blessures antérieures».

Il était chevalier de la Légion d'honneur depuis le 10 juillet 1918.

Régis Gignoux est le frère aîné de Charles Gignoux, mort le 1er novembre 1914.

 

 

 

fiche matricule de Régis Gignoux

 

Régis Gignoux, fiche matricule (1)

Régis Gignoux, fiche matricule (2)

Régis Gignoux, fiche matricule (3)
fiche matricule de Régis Gignoux, né le 24 janvier 1880

 

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Régis Gignoux
de Lyon

Régis Gignoux, entré à Saint-Cyr en 1901, en sortait sous-lieutenant, le 1er octobre 1903. Lieutenant au 16e régiment d’infanterie, en, garnison à Clermont-Ferrand, en août 1914, la mobilisation l’arrache brusquement à sa famille. Sur le point de se séparer de sa jeune femme et de ses trois enfants, il écrit : «Il est probable que demain la mobilisation sera décrétée. Mais en présence de la gravité des événements, il ne faut pas se départir de son calme».

Le calme, la maîtrise de soi dictée par un très vif sentiment du devoir et réalisée par l’effort d’une volonté décidée à marcher tout droit à son accomplissement, tel sera pendant quatre années de guerre la caractéristique de son état d’âme.

Le 16e, embarqué pour la frontière de Lorraine dès les premiers jours de la guerre, connut d’abord la joie de la marche en avant victorieuse ; mais quelques jours après, c’était la malheureuse affaire de Sarrebourg. Le lieutenant Régis Gignoux y reçut sa première blessure, qui fut d’ailleurs légère. Peu de temps après, il fut nommé capitaine et commença à mener cette vie monotone de la guerre de tranchées qui a exigé de nos soldats plus d’héroïsme que les heures angoissantes, mais courtes, de l’assaut.

En novembre 1914, il apprend la mort de son jeune frère, Charles, tué à Quesnoy-en-Santerre. Il en exprime ainsi sa douleur à sa mère :

  • «Combien mon cœur est près de vous ! Le pauvre petit dans sa belle mort n’aura pas connu la terrible agonie du champ de bataille. Que la pensé qu’il est maintenant heureux auprès de notre père où nous nous retrouverons tous un jour, soit votre consolation».

Cette agonie du champ de bataille, le capitaine Gignoux allait l’entrevoir, le 18 décembre 1914, à la suite d’une attaque locale, attaque manquée la veille et que son bataillon reçut l’ordre de reprendre à son compte. Nous lui laissons la parole :

  • «J’ai passé une nuit terrible. Je sentais que mes hommes n’étaient pas en confiance ; ils avaient l’intuition que c’était une faute de recommencer, le lendemain, une opération échouée la veille et dont les préparatifs avaient éveillé l’attention de l’ennemi. Le 18, vers la fin de la nuit, nous sortons donc de nos tranchées et prenons position à 150 mètres environ de la tranchée allemande, baïonnette au canon, les hommes couchés. Ce jour-là, le temps était couvert et il faisait nuit noire, quand, à 6 heures, les explosions des charges de mélinite destinées à ouvrir des brèches dans les réseaux de fil de fer se produisirent devant nous. D’ailleurs, sur quatre préparées, trois seulement réussirent : trois éclairs et trois détonations. Après quoi la nuit fut plus noire encore qu’auparavant. On crie : en avant ! Pas d’autres points de direction que ces trois lueurs d’un instant pour trouver sur un terrain défoncé par les obus des brèches de 4 mètres de largeur.
    Au même moment, spectacle que je n’oublierai jamais, les coups de fusils faisaient flamme dans l’obscurité, toute la tranchée allemande s’illuminait devant nous. En quelques secondes, les deux compagnies perdent une centaine d’hommes, le reste tourbillonne, se jette à terre ou recule. J’avais fait une centaine de mètres en avant. Je compris tout de suite qu’il n’y avait rien à faire et au milieu de cet enfer, je me reportai rapidement avec la poignée d’hommes qui m’environnaient, le long d’une ligne d’arbres, entre les deux tranchées, à 100 mètres des Allemands. Je fis terrer tout le monde, pensant qu’au petit jour les compagnies de renfort poursuivraient l’opération.
    Le jour vint, mais de notre côté rien ne bougea. Il n’y avait pas à songer à regagner nos tranchées, le terrain entièrement découvert étant battu par le feu. Nous restâmes donc allongés, le nez dans la terre, derrière un léger ressaut de terrain, tout juste suffisant pour masquer des hommes couchés. J’essayai, tout en restant aplati, de creuser un trou de tirailleur pour pouvoir bouger un peu ; mais les Allemands m’ayant vu probablement bomber le dos, leurs balles vinrent faire voler la terre autour de nous. Il fallut donc attendre dans cette position incommode, au milieu des cadavres, sous un ciel gris et pluvieux, que la nuit revenue nous permit de nous replier. Longues et cruelles furent ces heures que nous passâmes, partagés entre la crainte de tomber aux mains de l’ennemi et celle d’essuyer au retour le feu de nos sentinelles.
    Enfin aux dernières heures du jour, je reculai en rampant avec le sous-lieutenant X… et nous pûmes prévenir nos guetteurs de ne pas tirer sur les nôtres qui allaient rentrer. Quand nous arrivâmes dans la tranchée, engourdis par le froid et l’immobilité, nous titubions, incapables de nous tenir debout. Mon ami R. m’accueillit en pleurant et m’apprit alors le sort de ma malheureuse compagnie : mon lieutenant blessé, six de mes sous-officiers, les meilleurs, tués ou blessés ; manquaient à l’appel une cinquantaine d’hommes».

À la suite de cette affaire, le capitaine Gignoux reçut la Croix de guerre et sa première citation à l’ordre du corps d’armée :

  • «Très belle attitude au cours de l’attaque du 18 décembre. S’étant heurté au réseau de fil de fer ennemi en un point où il était intact, a cherché un passage, puis ne l’ayant pas trouvé, est demeuré derrière une ligne d’arbres voisine, à proximité des lignes allemandes, dans l’espoir de reprendre l’opération et n’y a renoncé qu’en se retrouvant avec une simple poignée d’hommes».

Et la guerre se poursuit, interminable, incertaine. Nous ne pouvons suivre le capitaine Gignoux dans toutes les pérégrinations de son régiment. Avec lui, il connut en 1916 l’enfer de Verdun, les nuits passées dans la neige sous l’avalanche des obus et les rafales de balles. Il reçut là une seconde blessure par éclat d’obus qui lui valut de passer quelques semaines à l’hôpital, puis dans sa famille.

À peine remis, le capitaine Gignoux, qui aurait pu prolonger son séjour au dépôt, demande à rejoindre au plus tôt le corps en campagne et prend part avec lui à l’offensive de la Somme, pendant l’automne de 1916. Au printemps de 1917, il est de la marche sur Saint-Quentin. Commandant à ce moment une compagnie de mitrailleurs, il fut cité pour la seconde fois à l’ordre du corps d’armée dans les termes suivants :

  • «Le 2 avril 1917, sa compagnie ayant été particulièrement éprouvée, a su par son exemple et son énergie lui conserver toute sa valeur offensive pour la marche en avant. A contribué puissamment à l’organisation des positions conquises en exécutant des reconnaissances périlleuses sous les plus violents bombardements».

À la fin de cette même année 1917, nous trouvons le capitaine Gignoux dirigeant un cours de chefs de section.

Le 8 juin 1918, il est nommé chef de bataillon et vient faire partager aux siens, au cours d’une permission qui est pour lui la dernière, la joie causée par cet avancement. Il a d’ailleurs le pressentiment très net de sa fin prochaine et ne le cache pas à sa famille. C’est dans un sanglot qu’il s’arrache cette dernière fois aux embrassements de sa femme et de ses quatre petites filles. Précédemment il avait remis à Mme Gignoux une lettre d’adieu à n’ouvrir qu’après sa mort, lettre admirable qui était un revoir au ciel qu’il espérait mériter, disait-il, par le sacrifice de sa vie qu’il offrait à Dieu.

De retour à son régiment il apprend qu’il est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Quand on lui en remet l’insigne, le 16e régiment est déjà en route pour aller prendre sa part de la contre-offensive, entamée le 19 juillet 1918, qui doit ouvrir définitivement à la France et à ses alliés la route de la victoire, mais au prix de quels sacrifices !

Le 29 juillet, au matin, le bataillon du commandant Gignoux se porte à l’attaque des lignes allemandes, aux abords nord du village de Grand-Rozoy, un peu au-delà de la route de Soissons à Château-Thierry. Au prix de pertes élevées, après un glorieux et rude combat, l’ennemi bousculé cédait le terrain et vers 9 heures le bataillon avait atteint les derniers objectifs qui lui avaient été assignés !

C’est alors que le commandant Gignoux, homme du devoir héroïque jusqu’au bout, s’étant porté sur les lignes les plus avancées pour reconnaître le terrain, fut atteint mortellement par plusieurs balles de mitrailleuses, mettant ainsi à une belle vie le sceau indélébile d’une belle mort. Son chef de corps dans une lettre à sa famille lui rendit le plus bel hommage qu’un soldat puisse recevoir d’un supérieur :

  • «La mort du commandant Gignoux que j’affectionnais tout particulièrement, que j’estimais grandement comme chef, comme ami et comme homme, que j’avais tenu tout particulièrement à avoir à la tête d’un de mes bataillons, est une perte bien douloureuse pour le régiment, pour son bataillon qui l’aimait comme in aime un frère aîné ; c’est un deuil irréparable… une perte pour l’armée et le pays. Que ses enfants sachent l’admiration que le colonel et tout le régiment éprouvaient pour leur père. Le commandant Gignoux sera proposé pour une citation à l’ordre de l’armée».

De son côté, le R. P. Haour, aumônier du régiment et camarade de classe du commandant Gignoux, pouvait écrire :

  • «Régis a fait la plus belle mort que puisse rêver un soldat. Il est tombé, face à l’ennemi, dans une journée de victoire, en conduisant son bataillon à l’assaut. Il est tombé sur la première ligne, à l’extrême limite de notre avance, et vous ne sauriez croire combien cette circonstance a fait impression sur nos poilus qui l’aimaient comme un frère et qui, ce jour-là, ont reconnu en lui un vrai chef… Régis est mort admirablement préparé. Il faisait depuis longtemps l’édification du régiment ; il a fait plus spécialement la mienne, parce que je l’ai approché de plus près. Que de fois j’ai admiré, avec sa bonté de cœur, sa délicatesse de conscience ! Dans la dernière église où nous avons passé, à Chelles, quelques jours avant, il était venu se confesser une dernière fois et communier».

«C’était, a encore écrit le R. P. Lestrade, aumônier en chef, le meilleur chrétien de la division ».

Le commandant Gignoux fut inhumé hâtivement à l’emplacement où il était tombé. Mais par une attention de la Providence, trois jours après, un de ses frères, le sous-lieutenant Joseph Gignoux du 172e régiment d’infanterie, qui participait également à l’attaque, arrivait justement et put lui faire donner une sépulture honorable.

Une croix marque ce coin de terre de France que le commandant Régis Gignoux a rougi de son sang et où, suivant son désir manifesté de son vivant, il attend la résurrection glorieuse.

 

 

 

le lieutenant puis capitaine Régis Gignoux appartenait au 16e R.I.

 

soldats du 16e RI
soldats du 16e régiment d'infanterie

 

Clermont-Ferrand, caserne d'Estaing, 16e RI
le 16e régiment d'infanterie était caserné à Clermont-Ferrand ou...

 

Montbrison, caserne du 16e RI
...à Montbrison (Loire)

 

  • un autre ancien de Sainte-Marie, mort pour la France lui aussi, appartenanit au 16e régiment d'infanterie : Joseph Vergnette.

 

 

l'encadrement du 16e R.I., début juillet 1918

 

encadrement 16e RI, juillet 1918, légendé
extrait du Journal des marches et opérations du 16e régiment d'infanterie

 

 

 

la prise de Grand-Rozoy, 29 juillet 1918

 

Diapositive1
Régis Gignoux est mort lors de la prise du Grand-Rozoy, le 29 juillet 1918

 

Grand Rozoy, juillet 1918, légendé
l'endroit où Régis Gignoux est mort le 29 juillet 1918 (carte AFGG, 18-28 juillet 1918)

 

JMO 16e RI, 29 juillet 1918 (1)

JMO 16e RI, 29 juillet 1918 (2)
extrait du JMO du 16e R.I., 29 juillet 1918

 

Orme du Grand Rozoy, carte IGN 1950, légendé
l'Orme du Grand-Rozoy et la cote 205 où est mort Régis Gignoux (carte IGN 1950, Géoportail)

 

au nord de Grand Rozoy
l'Orme du Grand-Rozoy, au nord du village

 

 

 

Régis Gignoux est mort au Grand-Rozoy (Aisne)

 

le Grand-Rozoy, avant la guerre
le Grand-Rozoy avant la guerre

 

Grand-Rozoy, mai 1918
le Grand-Rozoy après le passage des Allemands, mai 1918

 

Grand-Rozoy, cote 205
le commandant Régis Gignoux est mort à l'assaut de la cote 205 du Grand-Rozoy

 

 

 

 

- retour à l'accueil

8 septembre 2018

Pierre GIRAUD

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Pierre GIRAUD

 

 

Il n'a pas été possible d'identifier Pierre Giraud en raison de l'insuffisance d'informations permettant de le distinguer de nombreux homonymes.

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
7 septembre 2018

Henri GONNET

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

Henri Gonnet, portrait médaillon définitif

 

 

Henri GONNET

 

 

GONNET Henri, fiche MPLF

 

 

Henri Gonnet est né le 15 octobre 1889 à Lyon. Il est mort le 18 juillet 1918 à Monnes (Aisne). Il avait vingt-huit ans.

Après le collège Sainte-Marie, Henri Gonnet a été étudiant à la faculté des lettres de Lyon.

Il était lieutenant au 14e bataillon de Chasseurs alpins.

Henri Gonnet est issu d'une vieille famille médicale du Bois-d'Oingt (Rhône). Son frère Jean, lieutenant au 30e bataillon de Chasseurs alpins est tué en août 1914.

En 1908, il s'engage et reste deux ans chez les Chasseurs alpins. Il en sort avec le grade de sergent.

Élève du grand séminaire Saint-Sulpice d'Issy au début de la guerre, ancien étudiant de la faculté des lettres de Lyon. Ordonné prêtre le 8 février 1915, pendant sa première convalescence.

À la mobilisation, il retrouve le 14e bataillon de Chasseurs alpins dès le 3 août 1914. Durant la guerre, il est blessé une première fois à Zillebeke (Ypres, en Belgique, Flandre occidentale), le 24 novembre 1914. Henri Gonnet est promu sous-lieutenant le 25 novembre.

Il revient au front en février 1915 et est blessé une seconde fois à l'attaque du Linge (Alsace), le 3 août 1915 (cf. J.M.O.). Il est promu lieutenant le 6 mai 1917.

Le père Henri Gonnet éprouvait le sentiment de ne pas assez se donner :

  • «Je vous écris avant de partir pour l’attaque. C’est le moment où l’on s’interroge, où l’on se demande : es-tu prêt ? […] L’essentiel c’est d’y rester prêtre, pleinement, magnifiquement, l’homme qui jette par les fenêtres tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, parce qu’il est riche du bien inépuisable de Dieu… Je n’ai peur que d’une chose, c’est de n’être pas assez prêtre, de reculer quand il faudra me quitter». (sans date, source)

En 1918, il prend le commandement de sa compagnie, mais c’est toujours avec émotion qu’il voit mourir ses hommes :

  • «Je suis sorti de la fournaise, mais tant d’autres y sont restés. Que la vie est douloureuse ! Pauvre bataillon si généreux, si ardent ! Pauvres chasseurs partis le sourire aux lèvres ! […] Je ne puis rien vous dire, sinon que j’ai souvent pleuré. […] C’est inoubliable». (source)

Henri Gonnet a été fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume, comme le rapporte le Journal Officiel du 29 juin 1919 :

  • «Vaillant officier ; le 18 juillet 1918, à Monnes, son commandant de compagnie ayant été blessé, a pris le commandement de l’unité et a fait l’admiration de tous par sa bravoure et son audace. Arrêté par des mitrailleuses, s’est porté en avant de sa ligne, encourageant ses hommes et leur donnant l’exemple de l’intrépidité, du mépris du danger et de l’abnégation».

Selon la transcription de son acte de décès, il a été inhumé à la sortie de Saint-Quentin-sur-Allan, à quelques kilomètres à l'ouest de Monnes. En 1960, cette commune est rattachée à La Ferté-Milon.

  • Voir aussi : Les séminaristes de Saint-Sulpice morts au champ d'honneur, 1920 (source).
  •  Attention ! Henri Gonnet n'est pas l'auteur du livre : Les carnets d'un officier, préface de Louis Madelin, éd. Perrin, 1918 (comme on le trouve mentionné par erreur ici ou là). Cet ouvrage est l'œuvre de Jean Gonnet, mort le 19 août 1914, qui est le frère d'Henri.

 

 

fiche matricule d'Henri Gonnet

 

Henri Gonnet, fiche matricule (1)

Henri Gonnet, fiche matricule (2)
fiche matricule d'Henri Gonnet, né le 15 octobre 1889

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Henri Gonnet
de Lyon

Cette notice est extraite de la Semaine Religieuse du diocèse de Lyon. Elle est due à la plume si délicate de Mgr Lavallée. Avec une bienveillance dont nous lui sommes très reconnaissant, il a bien voulu nous autoriser à la reproduire.

Il avait bien l’âme de l’officier français, l’abbé Henri Gonnet, tué à la tête de la compagnie du 14e bataillon de chasseurs alpins qu’il commandait, le 18 juillet [1918].

  • «À vrai dire, je ne me plains pas de cette vie, écrivait-il le 24 janvier 1918 ; je l’aime avec passion. Je ne sais, le jour où il faudra quitter l’habit bleu, si je n’aurai pas un de ces déchirements de cœur, comme le jour où je suis entré à Issy. Je comprends les moines chevaliers de jadis, qui mêlaient si intimement ces deux vies si bien faites pour aller ensemble».

Après un combat où il avait été blessé :

  • «Nos chasseurs, écrivait-il, ont été splendides jusqu’au bout ; je ne les oublierai de ma vie. Même sous le noir, si je le puis réendosser, je garderai l’habit bleu - dans le cœur tout au moins - car c’est le meilleur de l’âme française que j’ai retrouvé là».

C’est ainsi qu’il méditait, pour satisfaire sa passion de soldat, de garder sous sa soutane, un bout de sa tunique de diable bleu, parmi ses scapulaires (1), à l’insu de Messieurs de Saint-Sulpice.

C’était une jolie nature, éprise de tout ce qui est lumière, cherchant partout la vie de l’esprit, et s’épanouissant sous cette longue menace de mort de quatre années avec l’avidité tranquille des fleurs des champs qui s’ouvrent sous l’orage qui va les foudroyer.

J’ai lu une lettre amusante de lui à son père sur l’officier rêvant à sa cantine (4), dans la boue des tranchées.

  • «Quand je serai au repos, je vais pouvoir me laver…» Quand je serai au repos, je vais un peu voir ma cantine…» «Quand je serai au repos, j’aurai un lit, vieux ; je démarre plus le matin…» «Voilà l’écho des réflexions quand on est dans sa sape (2), les jambes demi-ployées, les pieds froids, en proie aux totos (3), le corps mal à l’aise, dans une chaleur douteuse et mal répartie. On voit au loin une chambre chaude, la fameuse cantine ouverte et déployant ses richesses sur les meubles…».

 

cantine d'officier
cantine d'officier

 

Sa cantine à lui a été renvoyée à ses parents ; elle renfermait 36 volumes ; quelques temps après il arrivait un nouveau paquet de 18 volumes ; il traînait derrière lui toute une bibliothèque, et la plus variée des bibliothèques. Je ne parle pas de l’Évangile, de l’Imitation et du Bréviaire (5) qui ne le quittaient jamais. Mais voici un volume des Conférences de Mgr d’Hulst, celles du P. Ollivier, L’Église de l’abbé Prunel, Saint-Louis et Philippe le Bel de l’Histoire de Lavisse, du Barrès et du Bourget, etc…, et puis de l’italien Benedetto XV e la sacra predicazione (6), Giacomo Zanella, et Dante, etc… ; et puis - chose inattendue - Délie objet de la plus haute vertu, de Maurice Scève…

C’est curieux de voir s’exaspérer en lui le goût des choses de l’art, dans la rudesse d’une telle vie. Car il ne faut pas perdre de vue que nous avons affaire à un lieutenant du 14e Chasseurs alpins, qui a suivi partout et commandé cette troupe d’élite, qui a été trois fois cité et blessé trois fois, avant de tomber à la tête de sa compagnie.

Mais «dans sa sape», comme il disait, «les jambes demi-ployées», il s’imaginait être dans un monastère édifié à son intention, pour la méditation et pour l’étude. Il me l’a écrit positivement :

  • «Je viens de passer une bonne retraite de six jours, dans un couvent que les premiers Carmes auraient aimé. Notre cloître n’est pas fait d’arceaux élégants, c’est un long couloir de terre, le long duquel s’ouvrent les cellules. On a l’esprit bien souvent tendu en le traversant… J’ai retrouvé, pour l’approfondir un peu, ce grand Pascal qu’on a si rarement le temps de méditer comme ici».

Une autre fois, c’était Racine :

  • «Racine fait mes délices. Je vais de découverte en découverte, et m’aperçois que décidément il est un âge pour faire ces amitiés-là…» «J’ai même abordé Dante qui paraît assez ardu mais est d’une singulière beauté. Ses vers vous entrent dans la tête comme des clous de bronze, et la traductrice ne donne pas idée de cette énergie qu’a toujours le jaillissement de la pensée dans la langue qui l’a conçue…»

Il n’aurait peut-être pas fallu insister beaucoup pour faire dire à cette nature optimiste et vigoureuse que la guerre était un temps de solitude et de recueillement ménagé à l’esprit pour refaire ses études classiques.

Molière, Georges Dandin, 1893    Molière, Dom Juan, 1889

  • «Hier soir, j’ai lu Georges Dandin et Don Juan de Molière, cette dernière pièce surtout est magnifique, d’une vérité de vie qui n’a pas vieilli d’un jour. Je croyais entendre parler tel ou tel que je connais bien. Cela, c’est le privilège des génies. Et quel brave français ! Si vous allez quelque jour sous les voûtes du Grand-Théâtre, achetez-moi un Gresset à 30 centimes et envoyez-le-moi (7)».

Il écrivait ceci le 17 avril 1918, dans le train qui ramenait les chasseurs d’Italie, pour les jeter sur le front de la Somme alors en feu. En un pareil moment, ce souvenir de Vert-Vert est assez piquant de calme. Ou plutôt le mot qui convient pour exprimer ce vigoureux appétit de tout connaître, c’est celui de passion qui revient d’ailleurs souvent dans ses lettres :

  • «Ce qui me passionne surtout, c’est l’Histoire de l'Église, qui est une mine de confiance et de force d’âme…».

On a l’impression d’une nature si complètement ouverte à la vie qu’à peine réussit-elle à voir la mort, qui cependant est partout près d’elle :

  • «Je n’arrive pas à penser à la mort, écrit-il, sous ce ciel éblouissant de septembre, près des fleurs du jardin militaire, environnés que nous sommes de chants d’oiseaux. Vraiment cette lumière est trop crue et trop joyeuse pour une chose si austère, et j’ai l’impression de ces chapelles trop brillantes, où les vitraux dorés font oublier le noir sombre des draperies…».

Ah ! c’est la jeunesse aux mille couleurs qui jetait dans son âme transparente de jeune prêtre le prestige de sa lumière.

  • «J’ai à finir un petit résumé de l’histoire du bataillon dont on m’a chargé ; je vais tâcher de finir ce soir ou demain… J’ai revu tous ces noms oubliés, ces relevés de tombes. De mon cœur a levé toute une moisson de souvenirs parfumés encore des senteurs des Vosges, fougères des bois, mousses odorantes ; j’ai ressenti le charme de cette lumière bleue du soir qui nous enivrait sous les grands sapins. J’ai revu ces journées du Linge (8) ; je sens si bien qu’un peu de mon âme est restée là-haut, avec tous ceux que j’ai laissés en route et qui sont bien loin maintenant. Cette poésie du passé est indéfinissable. Si beau que soit le présent, il ne peut égaler ce charme que les événements et les figures aimées prennent à mesure que les jours passent…».

 

122300894_o
les pentes du massif du Linge (Vosges)

 

Arrivant en Italie avec les troupes françaises, Henri Gonnet a ce cri de surprise et d’émotion : «Tout mon cœur vibre sur cette terre délicieuse…».

Et maintenant, vous allez voir ce que fut, dans une âme douée d’un tel don de sympathie et de vibration, l’amour de ces grandes choses : la France, les hommes et Dieu.

On a beaucoup parlé de la justice, du droit, de la liberté, pour lesquels notre pays se battait ; j’ai remarqué que, dans les discours officiels, le nom de la France le cédait ordinairement à ces grandes idées qui, en effet, étaient bien le but de notre lutte. On semblait éprouver le besoin de justifier la patrie devant la raison, en disant qu’elle représentait la liberté et le droit. Tandis que la justice, dans les lettres d’Henri Gonnet, apparaît comme une physionomie, un visage dont son cœur est épris, c’est la France. Les chasseurs viennent de chanter le cantique de sainte Odile : «Ô sainte Odile, lève-toi - Car c’est la France - Qui te revient pleine de foi».

  • «Dieu le veuille, Dieu le veuille, écrit Henri Gonnet, car ce retour donnerait tout au pays, et les traditions d’antan, l’épanouissement de ce quelque chose d’unique qui est dans le fonds français, qui nous fait répéter avec émotion le Doulce France de Turoldus».

C’est ainsi que leur jeunesse se plaît à ce mot de tendresse qui vint sur les lèvres du trouvère dans la jeunesse de notre pays.

  • «C’est une douce chose, écrit-il le 2 juin 1918, au moment de la ruée allemande sur la Champagne, que de défendre, en cette saison, en ces circonstances, notre admirable pays. On s’y donnera avec tout ce qu’on peut mettre d’ardeur à une cause. Le moral des bommes est excellent. Puissions-nous, Dieu aidant, les refouler encore, et défendre de leur souillure le cœur de la France où tout nous parle des ancêtres et de la grâce de chez nous».

Cette grâce de chez nous, il l’a vue briller dans les yeux de la France :

  • «Je suis très heureux et très fier, écrit-il la veille de sa mort, de mourir pour délivrer la France, pour repousser le plus dur de tous les assauts. Nous luttons pour que ne meure pas le pays. Aussi nous y allons de toute notre âme, pour la cause la plus sainte de la terre après celle de Dieu ; car le triomphe de l’Allemagne serait la fin de cette flamme unique qui attire le monde entier vers nous».

N’avez-vous pas l’impression que la jeunesse, et aussi sans doute l’intégrité de ces cœurs neufs de jeunes prêtres, a donné à leur amour de la France une fraîcheur, des nuances tendres comme des aurores de sentiments ?

Encore ce qu’ils en ont dit ne laisse que deviner le sentiment qui était en eux. La parole est le plus faible des langages. «L’amour a tant de peine à parler, écrit Henri Gonnet, tant de répugnance à se dire, souvent, que les grandes et rares occasions de sacrifice doivent être acceptées amoureusement par nous». Le sacrifice, le don de soi, voilà le langage silencieux, sincère et fort de l’amour.

 

chasseurs, tranchée de Calonne
chasseurs dans une tranchée de Calonne

Écoutez ces réflexions avant l’attaque, quand l’homme sent la lourdeur de son corps, dans la pénombre de l’attente :

  • «Je vous écris avant de partir pour l’attaque. C’est le moment où l’on s’interroge, où l’on se demande : es-tu prêt ? D’ailleurs on partira avec calme. Ce sera peut-être dur. L’essentiel, c’est d’y rester prêtre, pleinement, magnifiquement, l’homme qui jette par les fenêtres tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, parce qu’il est riche du bien inépuisable, de Dieu… Je n’ai peur que d’une chose, c’est de pas être assez prêtre, de reculer quand il faudra me quitter. À ces heures, le corps ne doit pas compter… Comme il faut avoir peur, en méprisant le geste large, de devenir petit…»

Voilà l’idéal de vie sacerdotale qui hante son imagination : le geste large de «jeter par les fenêtres tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, pleinement, magnifiquement».

Henri Gonnet a tout donné à ses hommes, toute sa solde, tout son temps, avant de donner sa vie. S’il a tant étudié, c’est aussi pour pouvoir prêcher, pour faire profiter les autres de son travail. Il avait une parole abondante et chaude, parce que c’est son âme qui parlait. Un jour, à un service pour les morts du 14e, il eut un vrai succès, son auditoire tout entier ayant subi la contagion de son émotion. Il se sentit dégagé des entraves de l’appréhension, et porté par le courant ; il en jouit vraiment, et c’est pourquoi il m’en parla.

Que de témoignages il a reçus analogues à celui-ci que j’ai connu par hasard : «Cher lieutenant, peut-être vous ne connaîtrez pas le chasseur qui vous écrit. Je suis celui qui vous a fait appeler le 21 juillet au poste de secours pour vous remercier du bien que vous m’avez fait… Mon lieutenant, j’en garde un éternel souvenir, qui est bien doux pour moi».

Après le combat, il lui est arrivé d’être suffoqué par les larmes devant ses camarades tombés :

  • «Je suis sorti de la fournaise, mais tant d’autres y sont restés. Que la vie est douloureuse ! Pauvre bataillon si généreux, si ardent ! Pauvres chasseurs partis le sourire aux lèvres ! Je ne puis rien vous dire, sinon que j’ai souvent pleuré… C’est inoubliable».

 

cadavres, tranchée
«Je suis sorti de la fournaise, mais tant d’autres y sont restés»

 

On voit que ce ne sont pas seulement des larmes de douleur, mais d’admiration. Henri Gonnet a eu l’admiration de ses hommes.

  • «Notre petit soldat de France est si grand qu’on serait mal venu de se plaindre d’avoir à lui donner sur place cet exemple qu’aucun discours ne suppléera jamais… La misère de la guerre fait produire à la nature humaine ces fruits très rares et très beaux que donne la pensée de la mort et le détachement de tout ce qu’on aimait. Jamais l’homme n’est plus beau, plus soumis, plus admirable qu’ici ; il ne demande qu’une chose : une direction».

Ne pensez-vous pas que c’est une bonne marque d’une nature généreuse que ces enthousiasmes et ces admirations, en même temps que c’est la condition nécessaire pour bien aimer et se donner pleinement ?

Je citais tout-à-l’heure cette image du «geste large» qui jette «tout par les fenêtres» ; en voici une autre que je veux rappeler, car je sens bien que c’est une pensée habituelle, et comme une aspiration de tout l’être, qui s’est échappée dans ces formules symboliques et s’y est complue.

  • «J’y resterai peut-être ; pourquoi ne pas envisager cette solution ? Mais du sacrifice consenti, Dieu peut faire germer quelque chose, un peu de paix, un peu d’amour, que j’aurais voulu répandre, qui sortira encore de ma tombe, si je meurs en m’abandonnant bien à Lui».

Et ainsi le rêve de cette jeune vie de prêtre, c’est de se répandre et puis de s’évanouir en un peu de paix et d’amour.

Pour le dire en passant, jamais le peuple ne saura ce qu’il y eut pour lui de dévouement, de passion, dans le cœur de ces jeunes prêtres qui, au jour de leur ordination, acceptèrent l’isolement, la pauvreté et, je puis le dire dans les conditions de vie qui nous sont faites, la misère de toute sorte, pour avoir son âme, et qui furent à la guerre les meilleurs de ses amis, pour vivre et mourir avec lui. S’il le savait, il bercerait chèrement leur mémoire dans son souvenir et sa tendresse.

Mais l’objet solide pour une âme ardente, c’est Dieu ; car celui-là ne faiblit pas sous la roideur de l’élan ; la passion peut s’y jeter à plein, sans courir le risque d’en atteindre la limite et d’y trouver la déception du vide.

Henri Gonnet fut ordonné prêtre pendant sa convalescence d’une blessure grave : bonnes circonstances pour entrer dans le sentiment du sacrifice. Un des bras qu’il ouvrait vers Dieu, dans le rit (9) de la première messe, avait été brisé. Ah ! je me rappelle cette ordination dans la basilique de Fourvière - et Votre Grandeur surtout, Monseigneur l’Auxiliaire, se la rappelle. Il y avait deux autres ordinands ; l’un d’eux montait les marches avec une canne, ayant été grièvement blessé. C’était en février 1915 ; aucune perspective ne s’ouvrait que sur la sombre mêlée.

Le premier jour de sa retraite, Henri Gonnet écrivait :

  • «Vous demanderez pour moi cette grâce de l’amour du Maître, de l’amour ardent et perpétuel. Je voudrais que ce sacrifice que j’offrirai fût l’image de ma vie constamment immolée pour Dieu. Quel qu’en soit le terme, elle sera très belle, puisqu’il m’est donné de tenir entre mes mains, de consacrer et d’immoler la céleste Victime, l’Agneau qui efface les péchés du monde. Et une vision si radieuse que celle de la première messe efface bien toutes les autres. Que sont, à côté d’elles, les sombres perspectives de la bataille ?»

Après sa première messe, il écrivit à un prêtre ami :

  • «Première journée du don divin, journée inoubliable, depuis laquelle je vis sous le charme de Dieu. Et cette puissance du Saint Sacrifice est si grande, que je n’y songe pas sans frémir, et sans m’humilier de ce qu’Il vient en moi, pécheur, Lui, le Maître de tout. Quelle que soit la durée de ma vie, le Ciel n’est qu’une première messe durant toujours. D’autres l’ont dit peut-être ; mais pour des sentiments éternels est-il deux expressions ?»

Là-dessus, il rejoint en Alsace ; et ce sont les messes dans la tranchée :

  • «Messes de campagne, messes de tranchées, écrit-il, messes des humbles qui demain peut-être mourront, quelle joie de pouvoir les dire ! Pour une vie de prêtre, quel plus beau lever de soleil rêver !» «Les camarades arrangent les tertres ; nous arrangeons les âmes, et faisons que l’ordre y règne. Quelle plus belle tâche rêver au matin du sacerdoce, dans cette jeunesse du printemps d’Alsace, qui épanouit touts nos envies de donner de nous-mêmes ?»

 

Monestier-de-Clermont, 1915, cachet 14e bataillon
carte envoyée de Monestier par un soldat du 14e Chasseurs, en 1915

Après sa troisième blessure, il fut ramené à l’arrière et chargé de l’instruction des recrues. Voici ce que l’on observa au presbytère de Monestier-de-Clermont (10), où le bataillon séjourna quelques temps : «C’était un héros et un saint, car il y avait parfois de l’héroïsme à mener de pair ses devoirs de prêtre et d’officier. Pendant le temps qu’il est resté ici, les chasseurs partaient à l’exercice de très grand matin, ce qui obligeait leur lieutenant à venir à l’église vers les trois ou quatre heures du matin, s’il voulait célébrer la sainte messe avant son départ. Eh bien, jamais nous ne l’avons vu y manquer… mais ce que nous ignorions, c’est qu’étant logé loin de l’église, et n’ayant pas le temps de retourner chez lui prendre son petit déjeuner, il partait à jeun, et faisait ainsi, parfois jusqu’à dix ou onze heures et même midi, les marches les plus pénibles…»

Acharnement du prêtre à mettre la main à son calice, à parler à Dieu tout seul, à voix basse, dans la nuit. Quelles paroles avez-vous entendues, ô mon Dieu, des lèvres de cet enfant qui pouvait se passer de sommeil, de nourriture, et rester et marcher jusqu’à midi, dans la joie de cette intimité avec vous, qui lui fit écrire, une fois revenu à la misère des tranchées :

  • «Présence de Dieu, familiaritas stupenda nimis (11), que le prêtre du Christ sent plus que partout quand sa tranchée est déserte et triste, et que la scène du Calvaire vient la transformer en un temple splendide».

C’est dans l’environnement de cette intimité sainte qu’il eut ce geste familier et beau de jeter ses bras autour de la croix, comme au cou d’un ami, dans un mouvement où l’on sent si bien que tout le corps s’abandonne et pèse, et que tout le cœur se donne :

  • «Stat crux. Puisse-t-elle se dresser pour nous à la dernière heure, la croix du sacrifice, du pardon et de la pitié, afin que de nos mains tremblantes, de nos pauvres mains d’enfants de France, nous saisissions avec amour ses grands bras pour nous suspendre à Elle, et mourir comme notre Maître y mourut, en immolation et en amour des hommes».

Ce geste par lequel il souhaitait de finir sa vie, il l’a fait ; il est mort en le faisant. Et ici, j’admire les conduites de Dieu quand il veut opérer ses chefs-d’œuvre, et le plus grand de tous les chefs-d’œuvre, celui qu’il tire de matière humaine.

On était au 17 juillet dernier [1918] ; la grande offensive qui ne devait plus s’arrêter jusqu’à l’invraisemblable victoire, se déclenchait le lendemain ; et le 14e bataillon de chasseurs alpins en était. Henri Gonnet avait déjà, en revenant d’Italie pour le front français, alors en feu, remis en mains sûres l’adieu qu’il voulait laisser à ses parents, s’il disparaissait.

  • «21 avril 1918. Mes chers parents, je serai parti quand vous recevrez cette lettre… Je vous demande de ne pas trop vous étonner, si le sort de mon frère m’est échu - le lieutenant Jean Gonnet, tombé en octobre 1914, et dont on a publié un volume d conférences militaires - et de rester bien soumis à la sainte volonté divin qui meut toutes choses pour notre bien.
    Je n’ai jamais pensé en partant pour cette guerre, revenir de ces rudes combats. Plus la campagne durait, plus j’en envisageais le terme, et je pensais bien qu’il serait pour moi comme pour Jean. Avant d’aller au combat, je tiens à vous dire les choses, pour que parlions une fois ensemble de ce que la crainte nous empêchait toujours d’avouer.
    Je vais vous laisser bien isolés, et je ne pense pas sans angoisse à ce que sera notre pauvre maison, quand vous y resterez tout seuls, appuyés sur vos souvenirs. Mais vous avez trop aimé Dieu, pour qu’Il vous abandonne… Vous garderez toujours, c’est la seule chose que je vous demande, cette Foi qui vous a tant aidés ; vous resterez soumis à l’ordre d’En-Haut et, paisibles malgré tout, vous attendrez l’heure de la grande Réunion.
    Mes parents chéris, je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi. Je vous remercie de cette Foi catholique que vous m’avez transmise intacte, et qui a été jusqu’à la fin mon soutien de tous les instants ; je vous remercie de cette vie familiale si douce et si bonne que vous avez su nous faire goûter à tous, à tous les moments de la vie ; je vous remercie de l’exemple d’une carrière sans tache, que tous deux vous nous avez fourni. Dieu vous récompensera un jour d’avoir espéré en Lui contre toute espérance, et quand même vous aviez le cœur brisé.
    Il ne faut pas croire que les seules années heureuses comptent dans la vie des familles, mais se répéter souvent que l’on sème dans les larmes. Ce serait un déshonneur pour notre famille de n’avoir eu personne à la guerre. Qu’importent les quelques années humaines que Dieu aura retranchées à notre vie, si nous avons contribué en mourant à rendre victorieux notre pays, et à le rendre meilleur après la guerre.
    Pensez que devant le devoir, le soldat ne doit pas lésiner ; que vos âmes françaises continuent jusqu’au bout à être des âmes de soldats.
    J’aurais bien aimé vous revoir et vous embrasser encore… Nous nous retrouverons devant Dieu, dans la Lumière qui ne finira pas et dans l’Amour éternel. Ses promesses ne passent pas. Sa bonté pour nous tiendra ce qu’Il nous a promis. Alors toutes nos pensées terrestres pèseront peu ; seuls resteront nos efforts et nos mérites. Que cette pensée de l’Au-delà soit de plus en plus votre secours et votre espérance…»

Il avait donc confié à un camarade ces lignes destinées à ses parents. Le 17 juillet, au soir, veille de l’attaque, il rouvrit l’enveloppe pour ajouter encore un mot.

  • «17 juillet 18. Voilà que je reprends cette lettre ce soir, mon papa et ma maman, je la reprends parce que ce sera peut-être demain le jour, et que je veux vous embrasser encore, avant qu’il vienne. Je voudrais vous dire comme je vous aime, et je ne peux ; je voudrais vous remercier de tout ce que vous avez fait pour moi, et l’occasion ne viendra plus ; mais si Dieu m’appelle à Lui, ce sera pour penser à vous devant son trône, et pour vous bénir à jamais d’avoir si bien entouré votre enfant.
    Si sa volonté est je meure, je suis très heureux et très fier de mourir ainsi pour délivrer la France, pour repousser le plus dur de tous les assauts. Vous savez ce que nous allons faire, et où se porte l’effort des chasseurs. Si quelquefois il fut téméraire, cette fois nous sentons bien qu’il s’impose, et que nous luttons pour que ne meure pas le pays.
    Aussi nous y allons de toute notre âme, pour la cause la plus sainte de la terre après celle de Dieu, car le triomphe de l’Allemagne serait la fin de cette flamme unique qui attire le monde entier vers nous.
    Je vous prie de me bénir, mes parents chéris, et moi aussi, prêtre indigne de Jésus-Christ, je vous bénis».

Il donna à ceux qu’il aimait ce dernier baiser filial, et puis il se tourna vers son devoir.

Et c’est ici que j’admire les touches de la main divine. Dieu qui allait le reprendre fut passer sur son âme le souffle de l’amour ; et, dans un acte d’abandon total, nous voyons cet admirable enfant et prêtre ramasser, si je puis dire, tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, ses affections, son passé, ses rêves d’avenir, son cœur, son sang, et en faire l’oblation, comme il avait souvent jeté sur la braise ardente le grain d’encens qui monte en parfum devant l’Hostie.

 

Dammard, juillet 1918
«Devant Dammard, 17 juillet 18»

Sur son petit carnet de poche, nous avons trouvé ces lignes :

  • «Devant Dammard, 17 juillet 18. Ô Dieu, feu dévorant
    - remarquez comme il sent la brûlure de l’Esprit d’amour : le Seigneur ton Dieu est un feu dévorant, Quia Dominus tuus ignis consumens est (12) ; cette flamme aiguë s’en allait tout fouiller et tout prendre en lui, et le faisait ainsi prier -
    Ô Dieu, feu dévorant, qui appelez les derniers de vos enfants à être vos prêtres, ayez pitié du plus faible de tous, que vous avez appelé à cette immense dignité. Soutenez-moi, Dieu Puissant et Fort, au milieu des combats ; faites que je donne l’exemple, que je le donne en tout ; que je ne me regarde pas moi-même, que je m’oublie moi-même, pour ne penser qu’à ceux que vous m’avez confiés. Mon Sauveur Jésus bien-aimé, que je Vous regarde et que je vous Aime et que j’aille de l’avant, votre Croix sur la poitrine, sans penser à autre chose qu’à Vous. Si je tombe, purifiez mon âme dans les souffrances pour qu’elle Vous voie bientôt, pour que je retrouve bien vite ceux qui m’attendent là-haut et qui vous aiment.
    Seigneur, que je Vous aime plus que tout !»

Le lendemain matin, quand le jour jeta dans cette âme allégée et transparente la joie de la lumière et l’excitation de la lutte, il bondit, au signal, de la tranchée, à la tête de sa section. À six heures, il entrevoyait par un agent de liaison cette note qu’on a trouvée dans la tunique du commandant resté, lui aussi, sur le terrain.

  • «Le lieutenant Lafage a été blessé au bras. J’ai pris le commandement de la compagnie.
    La compagnie est arrêtée devant le chemin de Monnes à Combrecourt (13), à 6 heures.
    Nous avons été arrêtés un peu avant cette station par des mitrailleuses sur la droite. Actuellement, les mitrailleuses de Monnes nous tirent dessus.
    La compagnie a fait des prisonniers.
    Moral superbe.
    Vive la France !
    18 juillet 18, à 6 heures.
    H. Gonnet».

C’est là, dans cette excitation que lui donnait la victoire aperçue, et qui, en effet, se levait pour toujours, que la mort le fixa. Il tomba dans l’après-midi, une balle dans la tempe. Sa citation dit : «… A fait l’admiration de tous. Arrêté par les mitrailleuses, s’est porté en avant de sa ligne, encourageant ses hommes et leur criant : "En avant ! Si nous tombons, c’est pour la France"».

 

1 - Scapulaires : morceaux de tissus reliés par deux bandes de tissu ; on distingue le scapulaire monastique (grand) et le scapulaire de dévotion de taille réduite ; ici, il s'agit du vêtement.

scapulaires_pt_gr

2 - Sape : en général, le terme est synonyme de boyau (voie de communication entre deux lignes de tranchées) ; mais ici, cela renvoie plutôt à un abri en arrière des tranchées.

3 - Totos : poux.

4 - Cantine : malle en fer utilisée par les militaires qui y rangent leurs effets personnels.

5 - Bréviaire : livre liturgique contenant les textes nécessaires à la prière (liturgie des Heures, office divin).

6 - Benedetto XV e la sacra predicazione : ouvrage de Salvatore Natucci, 1918.

7 - un Gresset : Jean-Baptiste Gresset est l'auteur d'un poème humoristique intitulé Vert-Vert ou les voyages du perroquet de la Visitation de Nevers, 1734. Mais un Vert-Vert désigne aussi un journal spécialisé dans la programmation théâtrale (1832-1902).

Vert-Vert, par Gresset, couv   Vert-Vert, journal, 1845

8 - Le Linge (on prononce : Lin-gué) est un sommet des Vosges alsaciennes, champ de bataille en 1915.

9 - Rit : variante orthographique de rite.

10 - Monestier-de-Clermont : petite commune de l'Isère.

11 - Familiaritas stupenda nimis : avec une familiarité vraiment stupéfiante.

12 - Quia Dominus tuus ignis consumens est : Parce que le Seigneur votre Dieu est un feu dévorant (Deutéronome, 4, 24).

13 - Combrecourt n'est pas identifiable sur la carte, le lieu n'est jamais mentionné dans les J.M.O. des unités présentes dans ce secteur. Il s'agit probablement d'une erreur de transcription due à ceux qui ont eu à lire la note manuscrite d'Henri Gonnet : il faut lire Cointicourt et non Combrecourt.

 

 

 

Henri Gonnet appartenait au 14e bataillon de Chasseurs alpins depuis 1908

 

historique du 14e BCA

 

 

 

Henri Gonnet était élève au séminaire d'Issy, au début de la guerre

 

122905186_o
séminaire Saint-Sulpice, Issy-les-Moulineaux

 

122905243_o
séminaire Saint-Sulpice, Issy-les-Moulineaux ; Lorette, le vestibule

 

122905308_o
séminaire Saint-Sulpice, Issy-les-Moulineaux

 

 

 

l'évocation d'Henri Gonnet dans la Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 1919

 

Semaine religieuse diocèse (1)

Semaine religieuse diocèse (2)

Semaine religieuse diocèse (3)

Semaine religieuse diocèse (4)

Semaine religieuse diocèse (5)

Semaine religieuse diocèse (6)

Semaine religieuse diocèse (7)
La Semaine religieuse du diocèse de Lyon, 21 février 1919 (source)
l'essentiel de ce texte est repris dans la notice du Livre d'or

 

 

 

le 24 novembre 1914, Henri Gonnet est blessé à Zillebeke, en Belgique

 

Zillebek, carte fin oct 1914
au sud d'Ypres, le secteur de Zilleke, sur une carte fin octobre 1914 (AFGG)

 

JMO 14e BCA, nov 1914, légendé
Journal des marches et opérations du 14e B.C.A., novembre 1914

 

Zillebek, champ de bataille
Zillebeke (Flandre occidentale), champ de bataille

 

 

 

prêtre, Henri Gonnet a célébré des messes sur le front

Il n'y a pas de photos d'Henri Gonnet au front, mais quand il célébrait une messe, cela devait ressembler aux scènes ci-dessous.

 

messe, Argonne, 1915
en Argonne en 1915, une messe sur le front

 

messe, tranchée (1)
cérémonie religieuse dans une tranchée

 

messe, champ de bataille, Nord
dans le nord de la France, messe sur le champ de bataille

 

messe sur le front, 21e Territorial
messe sur le front, 21e régiment Territorial, 1915

 

messe en plein air, Vosges
messe en plein air, à l'arrière des tranchées, Vosges, 1916

 

 

 

le 3 août 1915, Henri Gonnet est blessé au Lingekopf

 

JMO 14e bat Chasseurs, août 1915, légendé
Journal des marches et opérations du 14e B.C.A., début août 1915

 

bataille du Linge, juillet-oct 1915, carte
la bataille du Linge, juillet-octobre 1915 (source)

 

front du Linge, 24 août 1915, carte
les lieux du Linge, carte du front le 24 août 1915 (source)

 

compagnie du 14e BCA décorée, 1915 jpg
le général de Maud'huy décore le fanion d'une compagnie du 14e B.C.A., en 1915 (source)

 

Chasseurs alpins, Linge, Miroir
Le Miroir, août 1915

 

flancs du Linge, juillet 2018
sur les flancs du Linge, juillet 2018 (source)

 

 

 

en 1917, Henri Gonnet a formé les recrues à Monestier-de-Clermont

 

Diapositive1
à un moment donné de l'année 1917, Henri Gonnet se retrouva à Monestier-de-Clermont

 

cpa Monestier, 1915, verso
verso de la carte ci-dessus avec le cachet du 14e bataillon (juillet 1915)

 

Monestier-de-Clermont, aujourd'hui
localisation actuelle de l'endroit indiqué sur la carte ci-dessus (le bâtiment au fond)

 

 

 

 

Henri Gonnet est mort lors de l'attaque de Monnes (Aisne)

 

Dammard, Monnes, juillet 1918, légendé
offensive du 18 juillet 1918 dans l'Aisne ; les lignes verticales de couleur verte représentent les dates
(carte : Les Armées françaises dans la Grande Guerre)

 

JMO 47e DI, juillet 1918, p
Journal des marches et opérations de la 47e D.I. (page 91) 

 

JMO 47e DI, juillet 1918, p
Journal des marches et opérations de la 47e D.I. (page 92)

 

Monnes, juillet 1918, maisons bombardées
Monnes (Aisne), juillet 1918 : maisons bombardées

 

Chevillon, juillet 1918, maisons bombardées
Chevillon (Aisne), village proche de Monnes, juillet 1918

 

Monnes et alentours, carte IGN 1950
Dammard, Monnes, Cointicourt, Macogny, carte IGN 1950 (Géoportail)

 

alentours de Monnes, juillet 2013 (1)
les alentours de Monnes, sur la route de Cointicourt à Macogny, juillet 2013

 

alentours de Monnes, juillet 2013 (2)
les alentours de Monnes, sur la route de Cointicourt à Macogny, juillet 2013

 

 

 

 

acte de décès d'Henri Gonnet

 

acte de décès d'Henrie Gonnet
état ciivil de Lyon, archives municipales

 

 

 

en 1918, Henri Gonnet a été inhumé à Saint-Quentin-sur-Allan

 

Saint-Quentin-sur-Allan, panneau
Saint-Quentin-sur-Allan, en venant de Dammard

 

Saint-Quentin-sur-Allan, vers Dammard
sortie de Saint-Quentin-sur-Allan, en se dirigeant vers Dammard et Monnes :
Henri Gonnet a été inhumé en ces lieux

 

 

 

 

 

- retour à l'accueil

6 septembre 2018

Frédéric GOUY

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Frédéric GOUY

 

 

GOUY Henri, fiche MPLF

 

 

Frédéric Gouy est né le 26 mai 1887 à Vals-les-Bains (Ardèche). Il est mort (disparu) le 27 août 1914 dans le bois de Jaulnay (Pouilly-sur-Meuse, département de la Meuse).

Il a effectué son service militaire d'octobre 1908 à septembre 1910 au 40e régiment d'infanterie de Nîmes. Il avait alors accédé au grade de sergent.

  • Frédéric Gouy est le cousin de Jean Gouy.
  • Frédéric Gouy avait un frère qui s'appelait Georges, né le 28 juin 1893 à Vals-les-Bains et mort le 20 août 1914 à Dieuze (Lorraine), donc avant Frédéric (source : fiche "mort pour la France" et fiche matricule).

 

 

fiche matricule de Frédéric Gouy

 

Frédéric Gouy, fiche matricule (1)

Frédéric Gouy, fiche matricule (2)
fiche matricule de Frédéric Gouy, né le 26 mai 1887

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Frédéric et Jean Gouy
de Saint-Didier-sous-Aubenas et de Vogué

On peut réunir sous un même médaillon Frédéric et Jean Gouy. La parenté de leurs familles, la communauté prolongée de leurs vies, l’union de leurs morts dans le sacrifice à la patrie, autorisent cette simplification d’écriture.

Tous deux achevèrent au collège leurs études. Jean y passa depuis la classe de seconde, jusqu’à la fin de la philosophie, Frédéric son année de philosophie. Ils firent partie de cette pléiade d’élèves bien doués, laborieux, par qui l’Ardèche donna à Sainte-Marie une bonne part de renom.

Ils apportaient à l’esprit plus renfrogné, et, à certaines époques, plus terne de nos camarades lyonnais, roannais ou stéphanois, l’éclat parfois grandiloquent de leur petite patrie ensoleillée.

De ces demi-méridionaux, plusieurs répandaient autour d’eux, par leurs conversations et par leurs inventions écolières, quelque chose de la lueur rougeâtre et chaude des rochers qui bordent leurs rivières ; Jean Gouy était de ceux-là. D’autres ne se distinguaient de leurs camarades que par la trace plus profonde qu’avaient laissée en eux et la vie de famille, si resserrée parmi ces terriens et ces directeurs d’industries toutes locales, et la vie religieuse, plus consciente, plus intense, plus combative en raison des voisinages protestants et des luttes politiques. Frédéric Gouy appartenait à cette seconde catégorie.

(...)

Les souvenirs que j’ai gardés de Frédéric Gouy tiennent entre une longue lettre du 28 avril 1906 et un mot de souhaits du 31 décembre 1912.

Dans toute sa correspondance, je retrouve un esprit avide de lumière et un cœur volontairement et sagement pacifié. Le milieu familial fut pour lui ce qu’il avait été pour Jean, l’école de toutes les vertus du foyer et de la vie chrétienne, mais il eut pour lui un autre avantage, la présence de quatre sœurs qui, y demeurant, formaient de son âge, une compagnie qui ne devait pas se dissoudre et l’encadrait d’une tendresse déférente.

Lettré de tradition paternelle, de goût et de culture, il avait, lui aussi, la frénésie de la lecture et eût erré souvent dans le choix de ses livres si son bon sens et - une de ces lettres en fait foi - la loi catholique de l’Index ne l’eussent guidé et préservé. Ces lectures avaient fait de lui un philosophe avant l’âge normal, philosophe curieux et souriant de tout, jusqu’à lui-même, et pourtant sans dilettantisme. Il avait, en effet, compris que la vie vaut d’être vécue car elle réserve, avec des joies et des peines, des devoirs.

Il eut quelques peines, celles qu’impose le sacrifice.

Des joies, il en eut beaucoup : celles de l’esprit : «Ce qui me donnait envie de rester à Lyon, c’était la pensée d’aller entendre de bonne musique au Grand Théâtre, de passer un grand nombre d’heures délicieuses chez le bouquiniste». Celles du cœur : «Je crois que tant que j’ai le cœur assez jeune pour pouvoir aimer encore comme un enfant, je dois en bénir Dieu et ne pas négliger ce sentiment qu’il m’a peut-être préparé comme un moyen de salut pour les quelques années orageuses que je sens déjà venir à certains jours et pour lesquelles je suis encore si mal armé». Quant aux devoirs : «C’est vrai, nous ne sommes plus des enfants ni des jeunes gens, mais déjà des hommes et des femmes, et voilà que la vie nous apporte des devoirs d’hommes et de femmes, et qu’elle sera belle, mais qu’elle ne sera plus jolie». Il s’y préparait par le souci de tenir son âme haute, droite et surtout clairvoyante.

  • «Ma personnalité, je la voudrais pas banale, un peu élevée au-dessus du niveau commun, je la voudrais telle qu’elle m’attirât la sympathie de tous. Tout cela est passablement orgueilleux. Je veux surtout être un chrétien et un homme d’influence et de saine influence, autour de moi. Pour que cela me soit donné, si vous voulez un peu prier pour moi, j’en serais très heureux».

Il redoutait les emballements, ce qu’il appelait le romanesque, et il estimait moins dangereuse que la confusion ou l’obscurité une faute vue et voulue comme telle :

  • «La clarté est bonne, mais je trouve qu’elle ne suffit pas dans les grandes lignes, qu’il la faut aussi dans les détails, et surtout là peut-être. J’ai remarqué souvent que quand je cherche à traiter à l’amiable avec ma conscience, à entrer en pourparlers pour essayer de lui tirer le plus de concessions possibles, sans pourtant sortir de la légalité morale (ce qui est chez moi un vieux défaut), c’est toujours pour des questions de détail. Pour ce qui est grave, on le fait sans essayer de raisonner et de la fléchir un peu… ; mais comme une faute grave n’est amenée que par une moins grave, cela se réduit, en somme, à s’observer et à se méfier quand on commence à trébucher. L’âme est comme une automobile : quand on ne l’a pas nettoyée depuis trois semaines, tout se détraque et on risque fort de rester en panne dans la boue. Jamais je n’avais senti comme depuis un an la nécessité de venir aux sacrements assez fréquemment et régulièrement. Et à la pensée de ce que je serais devenu sans cela… je me demande comment il peut se faire qu’un jeune homme non pratiquant puisse rester, non pas pur, mais honnête».

Le désir de voir clair prenait chez Frédéric la rigueur d’un problème de mathématiques : «Une chose que je désirerais beaucoup, ce serait de savoir exactement ce que je suis et de savoir l’évaluation mathématique de mes qualités, de mes défauts, de mes facultés, et de mille autres choses aussi impondérables».

Pourtant, il avait tenté cette évaluation, au moins qualitative, dans une analyse qui vaut d’être reproduite :

  • «Cet esprit de respect de l’autorité que vous remarquez, je le dois à l’éducation beaucoup, comme tout ce que j’ai de bonnes tendances, mais je le dois surtout à une conformation caractéristique de ma volonté qui répugne à se décider soi-même et préfère obéir. Je ne sais pourquoi j’ai horreur de prendre une responsabilité, sans doute parce que je ne peux pas voir aussi nettement que je voudrais, le pour et le contre. Sans mon entêtement d’Ardéchois qui me fait rester fidèle en pratique à mon premier choix, alors que dans mon esprit je suis presque persuadé que j’ai mal fait et qui me faire dire : "Quand le vin est tiré il faut le boire", je crois que je passerais ma vie à vouloir une chose et puis à ne plus la vouloir, suivant ce qui me passerait par la tête. Au lieu que, quand il faut obéir simplement, ma responsabilité étant à couvert, je marche assez volontiers, pas toujours sans grogner d’abord, par exemple. Ma volonté laisse, à mon avis, beaucoup à désirer. Je me crois incapable de faire, de but en blanc, un sacrifice. Il faut que je me sois habitué à cette idée. Encore moins suis-je capable de m’imposer un sacrifice à moi-même, s’il ne m’a pas été conseillé ou ordonné, sans voir essayé le moindre moyen d’y suppléer d’une autre façon».

Pour terminer cette lettre, il écrit quelques vers inspirés par la vue d’une carte postale qu’on lui avait envoyée comme symbole : deux chemineaux, d’ont l’un, plus jeune, boit avidement au cours d’eau, pendant que le plus âgé sonde l’horizon d’un regard attentif et protégé par la main. «Celui qui regarde au loin, c’était vous qui regardiez au loin vers le but pendant que je ne songeais qu’à boire. Mais je n’ai pu m’empêcher de traduire ce symbole d’une façon plus romanesque, moins vraie, plus prétentieuse par conséquent :

Ce jeune homme c’est moi ; dès l’aube j’ai marché.
Aux pierres du chemin parfois j’ai trébuché,
Et mes souliers ont pris la poussière des routes,
La sueur à mon front vient sourdre en fines gouttes,

Je suis las et j’ai soif ; j’ai soif d’un peu d’amour.
La source, pour venir à moi, fait un contour,
Parmi le sable d’or et l’herbe de ses berges ;
Si douce est la chanson dite par les eaux vierges,
Qu’on dirait la caresse intime de ta voix.
La source est fraîche, ainsi qu’un cristal, et tu vois
Des reflets s’y bercer et le soleil y rire
Et, dans cette fraîcheur, tout un ciel qui se mire,
La source, c’est ton âme, ô chérie.

Et tandis
Qu’oubliant presque leur jeunesse de jadis,
Nos aînés ont les yeux vers l’étape lointaine,
Pensifs et dédaigneux de la claire fontaine,
Moi, je me suis penché sur l’eau pure, ardemment,
Et je bois à longs traits un peu de firmament,
Flottant sur la fraîcheur exquise de ton âme ;
Et me voici dispos et fort, un peu de flamme
Au cœur, joyeux, prêt à reprendre mon chemin,
Sûr que, quand il faudra, tu me tendras la main
Et me referas l’âme un peu plus forte et fière,
Car ma route s’en va, côtoyant la rivière.

 

Une âme de telle valeur devait passer dans la vie en inspirant à ceux qui l’ont connue la sympathie et le respect. On comprendra quelle place il avait dans le cœur des siens et de ses amis, et quelle famille il aurait su fonder. Mais la correspondance où j’ai puisé n’est qu’un moment de son évolution morale dans des conditions un peu particulières. J’ai dû laisser dans l’ombre certains traits de sa nature, donner trop d’importance relative au côté contemplatif, et pour ainsi dire passif qui existait certainement dans son âme, et pas assez à la fermeté virile et persévérante qui, associée à la douceur tranquille, en constituait le fond.

«Dès son enfance et son adolescence et pendant les années qui se sont écoulées entre sa sortie du collège et sa mort, Frédéric a montré comme traits essentiels, une grande solidité de jugement, une suite remarquable dans les idées et une volonté très tenace, ce qu’il appelait très bien «son entêtement ardéchois». S’il avait vécu, ce tempérament en aurait fait un homme d’affaires utile, un bon chef de famille et aussi un chef local digne de ce rôle. C’était déjà commencé et on ne pourrait s’empêcher de regretter que la Providence ait enlevé à la région où il vivait ce «chef», si son sacrifice n’avait été, en somme, plus fructueux et plus glorieux que tous les services qu’il aurait pu rendre dans une plus longue carrière.

  • «Après son service militaire à Nîmes et deux stages de notariat à Vals et à Lyon, la mobilisation le jeta à la frontière où il fut tué dans le combat de Beaumont d’Argonne le 27 août 1914.
    Après la retraite sur la Meuse, le 26 août au soir, le 8e Colonial campa dans un bois de sapins. "C’est là, écrivait à sa sœur un Valsois, que j’ai vu pour la dernière fois le sergent Gouy. Il était à l’écart, sous un arbre, près d’un petit feu qu’il avait allumé pour se sécher. Que fais-tu là, sergent ? lui dis-je. Il resta un moment silencieux, puis il me répondit : Je fais ma prière et je t’engage à en faire autant". Il se préparait à la mort prochaine.
    Le lendemain matin, 27, je chargeais à côté de lui, a raconté à son retour de captivité, un brave paysan des environs. Je le vis tomber tout à coup ; mais je ne pus m’arrêter et continuai à courir en avant. C’était le feu de la seconde ligne qui l’avait atteint avec bien d’autres. Nous nous repliâmes et je le vis étendu sur le côté, la poitrine percée de balles. Il ne donnait plus signe de vie et je crois qu’il était déjà mort. Il fallait partir ; je le laissais bien à regret, il a dû être relevé et enterré par les allemands qui ne tardèrent pas à occuper le lieu du combat».

«Nous serons là pour les arrêter», avait déclaré Frédéric un jour qu’on parlait des projets des Allemands de marcher sur Paris.

Quelques jours plus tard [1], son frère Georges, autre âme d’élite sur qui Dieu avait jeté son dévolu, disparaissait.

Après avoir cheminé diversement dans leur vie de jeune homme, l’un contenant, par sagesse, l’énergie d’une nature plus équilibrée, l’autre déployant en prodigue les forces d’un tempérament plus violent, ils se sont rendus, soumis tous deux à la loi traditionnelle du don de soi à la patrie pour l’amour de Dieu, sur le champ de bataille et s’y sont sacrifiés pour la France.

Celui qu’attirait la vie publique est mort lentement, entouré, assisté, presqu’en apothéose. Celui qui cachait ses émotions et répugnait à s’ouvrir est tombé d’un coup, seul, presqu’ignoré.

De Jean, la tombe est au cimetière d’Épinal, signalée par une croix et son cher nom. De Frédéric, l’épitaphe seule demeure, en l’air pour ainsi dire, sans lieu précis, sans nom, mais marqué d’un mot sorti du cœur de ses hommes : «Notre pauvre sergent».

1 - En réalité, Georges Gouy, frère cadet de Frédéric, est mort le 20 août 1914.

 

 

 

Frédéric Gouy a effectué son service au 40e R.I. à Nîmes (1908-1910)

 

Nîmes, caserne du 40e RI
caserne du 40e régiment d'infanterie à Nîmes

 

 

 

Frédéric Gouy est mort dans le bois de Jaulnay (Meuse)

 

forêt de Jaulnay, carte
le bois de Jaulnay, en partie sur la commune de Pouilly-sur-Meuse

 

bois de Jaulnay, en venant de Pouilly (Google maps, mars 2011)
le bois de Jaulnay, en venant de Pouilly (Google maps, mars 2011)

 

foret7
bois de Jaulnay (source)

 

foret6
bois de Jaulnay (source)

 

foret16
bois de Jaulnay (source)

 

 

 

- retour à l'accueil

5 septembre 2018

Jean GOUY

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Jean GOUY

 

 

GOUY Jean, fiche MPLF

 

 

Jean Gouy est né le 9 juillet 1886 à Vogüé (Ardèche). Il est mort le 13 juillet 1915 à l'hôpital militaire d'Épinal (Vosges).

Il a suivi sa scolarité au petit séminaire d'Aubenas puis au collège Sainte-Marie de la rentrée 1902 à juillet 1905.

Il a effectué deux périodes de service militaire : d'octobre 1905 à septembre 1906 ; et de janvier à novembre 1911. Toujours au 6e bataiilon de Chasseurs à pied.

Dans la première moitié de l'année 1912, il se trouve au Gabon pour l'exercice de son activité professionnelle (commerce). Après avoir terminé ses études de droit, il est avocat à Alès d'octobre 1912 à octobre 1913 puis à Paris jusqu'à la déclaration de guerre.

 

 

fiche matricule de Jean Gouy

 

Jean Gouy, fiche matricule (1)

Jean Gouy, fiche matricule (2)

Jean Gouy, fiche matricule (3)
fiche matricule de Jean Gouy, né le 9 juillet 1886

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Frédéric et Jean Gouy
de Saint-Didier-sous-Aubenas et de Vogué

On peut réunir sous un même médaillon Frédéric et Jean Gouy. La parenté de leurs familles, la communauté prolongée de leurs vies, l’union de leurs morts dans le sacrifice à la patrie, autorisent cette simplification d’écriture.

Tous deux achevèrent au collège leurs études. Jean y passa depuis la classe de seconde, jusqu’à la fin de la philosophie, Frédéric son année de philosophie. Ils firent partie de cette pléiade d’élèves bien doués, laborieux, par qui l’Ardèche donna à Sainte-Marie une bonne part de renom.

Ils apportaient à l’esprit plus renfrogné, et, à certaines époques, plus terne de nos camarades lyonnais, roannais ou stéphanois, l’éclat parfois grandiloquent de leur petite patrie ensoleillée.

De ces demi-méridionaux, plusieurs répandaient autour d’eux, par leurs conversations et par leurs inventions écolières, quelque chose de la lueur rougeâtre et chaude des rochers qui bordent leurs rivières ; Jean Gouy était de ceux-là. D’autres ne se distinguaient de leurs camarades que par la trace plus profonde qu’avaient laissée en eux et la vie de famille, si resserrée parmi ces terriens et ces directeurs d’industries toutes locales, et la vie religieuse, plus consciente, plus intense, plus combative en raison des voisinages protestants et des luttes politiques. Frédéric Gouy appartenait à cette seconde catégorie.

Tous les documents que j’ai gardés de Jean tiennent entre un billet écrit au collège le 3 décembre 1902 et une lettre du 20 mai 1912 écrite à Collioura (Haut-Ogooué), adressés l’un et l’autre à son professeur de seconde. Il y a là environ 70 pages, plus 3 numéros d’un périodique de collège, l’Idée, dont la vie fut, par décision de l’autorité, brève et, par l’esprit généreux du fondateur, Jean Gouy, et des rédacteurs ses camarades, riche et même féconde. La lecture de ce périodique montre assez quelle fascination Jean avait su exercer sur ses condisciples et quel souffle animait la division des grands en 1902 et 1903 ; mais les lettres et billets révèlent mieux son âme.

Le billet du 3 décembre 1902 est une déclaration de principe, ou, du moins, de goûts littéraires et politiques. «J’ai un idéal, je vous le dirai». La lettre du 20 mai 1912 est un cri de douleur à la mort terrible de son frère Paul [1], un cri de repentir pour des erreurs d’appréciation : «J’étais de bonne foi et je ferai amende honorable».

Jean est tout entier et peint au vrai dans ces deux phrases, courtes et énergiques comme sa parole à qui l’accent du pays donnait un bouquet du cru. Il avait un idéal : il se voulait noble et grand, car il était ambitieux. Hauteur de vues, générosité, ardeur, il avait reçu ces précieuses qualités de sa famille. Ses lectures, «j’ai une frénésie de lectures», ses amitiés avaient développé, sans contradictions sérieuses, deux grands amours, le goût des lettres et le désir de l’action publique, et ses qualités naturelles d’imagination et de geste en faisaient un orateur.

Comme tout homme, il portait en lui l’humaine faiblesse qui conduit aux inconséquences, aux contradictions même. «Attaché fermement à toutes les traditions, je suis souvent hésitant, flottant». L’histoire de ces flottements est tout au long racontée dans une longue lettre qui est une confession, lucide et sincère, écrite de Collioura [2] où il mena, en 1911 et 1912, la vie remuante ou oisive suivant les saisons, de l’agent commercial d’une grande société africaine.

Cette lettre montre Jean aux diverses périodes, toutes tourmentées, qui séparent sa sortie du collège en 1905 de son départ pour le front en 1914.

Étudiant en droit, et en même temps rédacteur d’un journal lyonnais plus littéraire que sportif, puis à la recherche d’un place dans la presse parisienne, recherche au cours de laquelle il commença son expérience des hommes et fit la connaissance de celui dont l’esprit devait avoir une telle influence sur le sien, M. Charles Maurras ; mêlé à ce qu’il appelle l’aristocratie du régime, victime des traîtrises courantes, repris pour un an par la vie militaire, enfin décidé à liquider le passé pour assurer l’avenir, il choisit, pour un temps, la vie de commerçant, qui répugnait à ses goûts, sans dépasser sa capacité d’adaptation.

La mort en 1912, de son frère Paul, chef d’exploitation minière en Algérie, assassiné par des malfaiteurs, le bouleverse : «Lorsque surviennent certaines catastrophes par trop injustes ou imprévues, les liens que l’on croyait les plus faibles se resserrent avec une vigueur que l’on ne soupçonnait pas. Je suis encore tout meurtri et il est possible que je rentre bientôt en France».

Il y revint en effet en juin 1912. L’adieu qu’il avait cru définitif, à toutes les ambitions littéraires et à une carrière qu’il aimait malgré tout et pour laquelle il se sentait fait, le barreau, se changea en un au revoir. Il acheva ses études de droit et s’installa à Alais [Alès, auj.]. «Toujours le même, écrit son cousin Frédéric, vif, charmant, mais léger un peu plus que de raison, ce qui ne détonne pas trop dans le Midi ; il connaît déjà tout le monde à Alais, s’est faufilé dans tous les comités d’Action Française, et, ce qui vaut mieux, a l’air de s’intéresser à son métier et de le faire avec goût. J’ai bon espoir qu’avec sa facilité d’assimilation, il arrivera à une réussite satisfaisante».

Cet enthousiasme pour les idées de M. Maurras et de l’Action Française, que ne partageait à aucun degré sa famille [3], fut l’occasion de bien des discussions pour le ramener à des vues moins absolues et plus sûres que celles de ce groupement.

En 1914, il était à Paris, quinze jours seulement avant la mobilisation ; sa mère s’y trouvait auprès de lui :

  • «Il était si fier de nous montrer sa modeste installation, un petit rez-de-chaussée de la rue Chaptal, où il était très content de ses débuts comme avocat. Je l’accompagnais souvent au Palais et lorsqu’il portait sa chronique judiciaire à Paris-Journal. Il était si fier de me faire visiter ce pauvre Paris où il se trouvait si bien dans son élément et où il espérait tant se faire une situation, comme nous l’a écrit son bâtonnier Me Henri Robert».

La mobilisation l’envoya dans un bataillon de Chasseurs alpins. Après avoir pris part aux combats d’Alsace, c’est au siège de Clézentaine [4] et sur le champ de bataille qu’il fut nommé sergent. Par les blessés revenus, on a su quel ascendant il exerçait sur les hommes de sa compagnie, se montrant toujours bon et plein de sollicitude pour eux. Par les temps de pluie et de neige, il voulait qu’il ne leur manquât rien pour les protéger du froid. Quelquefois il leur faisait porter quelques douceurs, du thé bien chaud ou quelques litres de vin.

Ceux qui sont revenus de sa compagnie ont raconté combien il les réconfortait et les encourageait toujours, leur disant : «Ayez bon courage, je vous assure que nous reverrons notre Ardèche». Les camarades du pays, tombés, hélas ! comme lui, écrivaient à leurs parents combien Gouy était bon pour eux et débrouillard, trouvait moyen de leur procurer un bon lit quand ils avaient une nuit de repos dans quelque village.

Le 13 juin 1915, Jean écrivait qu’ils allaient rejoindre le 6e Chasseurs et partaient à l’attaque, se confiant à la garde de Dieu. Le 6e avait pour mission de percer les lignes allemandes pendant les deux fameuses journées du Braunkopf. Les Allemands croyaient la position imprenable ; il fallut donner des tonnes de mitraille pour écraser cette véritable forteresse. Les deux artilleries dirigeaient un feu des plus violents sur le Braunkopf, et le 6e Chasseurs, qui avait pourtant assisté à bien des attaques, prétendait n’avoir jamais vu pareil déluge de mitraille. Nos braves soldats s’élancèrent comme des lions et la première tranchée fut enlevée.

C’est à ce moment que Jean fut blessé d’une balle à la tête.

L’abbé Lapierre, prêtre infirmier, qui avait été son condisciple au petit Séminaire d’Aubenas, vint aussitôt lui porter secours, mais Jean ne pouvant se faire comprendre - sa blessure à la tête lui avait provoqué du bégaiement - lui manifesta seulement par un signe de croix qu’il désirait l’absolution. Peu d’instants auparavant il avait été blessé plus légèrement et avait refusé de se laisser conduire au poste de secours. Évacué à Gérardmer, Jean fut trépané.

  • «L’opération paraissait avoir réussi», nous écrit sa mère. «L’infirmier-major espérait le sauver. Mais à Épinal, où il fut bientôt envoyé, une seconde opération fut jugée nécessaire. Il succomba aux suites deux jours après mon arrivée. Il manifesta la plus vive émotion en me revoyant et pleura beaucoup, demandant aussi son père qui, absent de Vogüé, n’avait pas pu partir en même temps que moi et ne put le revoir vivant. J’ai eu la suprême consolation de passer avec mon pauvre enfant ces dernières heures, mais sans avoir compris toute la gravité de son état.
    Il s’éteignit paisiblement dans mes bras, après avoir reçu les derniers sacrements et en baisant jusqu’au dernier moment mon Christ et ma médaille d’Enfant de Marie. Les pauvres blessés qui l’entouraient, et qu’on aurait dit être ses frères, me disaient combien ils enviaient sa douce mort dans les bras de sa mère.
    Une lettre de son capitaine, trouvée à son chevet, m’apprenait qu’il avait été cité à l’ordre de la Division et qu’il avait été proposé pour le grade de sous-lieutenant et la Croix de guerre que nous avons reçue depuis lors. C’est le 13 juillet 1915 que nous l’avons perdu. Bien qu’on eût attendu l’arrivée de son père pour le mettre en bière, ses traits n’avaient subi aucune altération. Sa blessure seule laissait une trace rouge à travers le bandage de la tête. C’est au cimetière d’Épinal que nous l’avons accompagné, sentant bien que notre vie était brisée pour toujours».

1 - Paul Gouy (1888-1912), assassiné à El-Milia, province de Constantine en Algérie, le 9 février 1912.
2 - Collioura est au Gabon (Afrique équatoriale française).
3 - Cette affirmation du rédacteur de la notice est discutable. La campagne de souscription lancée par le journal L'Action française voit Mme Gouy verser 5 francs au motif suivant : «En souvenir de mon fils Jean Gouy, sergent de chasseurs mort pour la France et de son frère Paul Gouy, tous deux ardemment dévoués à leur chère Action Française et disciples enthousiastes de ses directeurs, dont ils considéraient la doctrine comme pouvant seule régénerer notre France bien aimée», L'Action Française, organe du nationalisme intégral, 3 février 1918.
4 - Clézentaine se trouve au nord des Vosges.

  • * la partie de cette notice consacrée à Frédéric Gouy se trouve sur sa page.

 

 

 

Jean Gouy a été au petit séminaire d'Aubenas, avant Sainte-Marie

 

Aubenas, grand et petit séminaire
grand et petit séminiare d'Aubenas (hôpital pendant la guerre)

 

Aubenas, grand séminaire
le séminaire d'Aubenas, ancien couvent des frères maristes

 

 

 

Jean Gouy, un avocat

 

Le Barreau de Paris dans la Grande Guerre, couv

 

notice de Le Barreau de Paris (1)

notice de Le Barreau de Paris (2)

 

Cette notice est extraite du livre de François Gibault, Le barreau de Paris dans la Grande Guerre, éd. Gallimard, 2016. Elle comporte une petite erreur de date : ce n'est pas le 13 août mais le 13 juillet 1915 que Jean Gouy fut mortellement blessé.

Le frère de Frédéric Gouy dont il est question à la 5e ligne s'appelait Georges, né le 28 juin 1893 à Vals-les-Bains et mort le 20 août 1914 à Dieuze (Lorraine), donc avant Frédéric (source : fiche "mort pour la France" et fiche matricule).

 

 

 

en 1912, Jean Gouy a vécu plusieurs mois à N'Djolé (Gabon)

 

N'Djolé, embarquement caoutchouc -
N'Djolé (et non N'Djobé comme écrit sur la fiche matricule) en Afrique équatoriale française ;
c'est de là qu'il est remonté vers Collioura, dans la province de l'Ogooué-Ivindo

 

 

 

Jean Gouy est blessé au Braunkopf (Metzeral, Haut-Rhin)

 

Braunkopf, carte légendée
Jean Gouy est blessé le 16 juin 1915 au combat du Braunkopf (fond de carte)

 

Braunkopf, l'Illustration, 10 juillet 1915
prise du Braunkopf (18 juin), photo l'Illustration du 10 juillet 1915 (source)

 

 

 

Jean Gouy est mort à l'hôpital d'Épinal, le 13 juillet 1915

 

Épinal, hôpital civil et militaire
Épinal, hôpital civil et militaire

 

 

 

 

- retour à l'accueil

4 septembre 2018

Jean "Iwan" GRANGIER

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Jean "Iwan" GRANGIER

 

 

GRANGIER Jean, fiche MPLF

 

Jean Grangier est né le 18 juin 1881 à Saint-Julien-en-Jarez (Loire). Il est mort le 27 juin 1915 à la tranchée de Vieville (Meurthe-et-Moselle). Il avait trente-quatre ans.

Dans la liste dressée par le collège Sainte-Marie, il est prénommé Iwan - qui semble aussi être l'un des prénoms de son père, sous la forme Ivan. C'est un prénom d'usage qui n'a pas été retenu pour son identification au moment du recensement même s'il figurait sur son acte de naissance sous l'orthographe Ivan.

Il a effectué son service militaire de novembre 1902 à septembre 1905, au 3e régiment d'infanterie caserné à Digne (Alpes-de-Haute-Provence) et à Hyères (Var).

Il était directeur commercial de la Compagnie française pour la fabrication de l'essence de térébenthine

 

 

 

acte de naissance de Jean "Iwan" Grangier

 

acte de naissance d'Ivan Grangier
acte de naissance d'Ivan(Jean) Grangier

 

 

 

fiche matricule de Jean Grangier

 

Jean Grangier, fiche matricule (1)

Jean Grangier, fiche matricule (2)
fiche matricule de Jean Grangier, né le 18 juin 1881

 

 

 

Jean "Iwan" Grangier a fait son service au 3e régiment d'Infanterie

 

soldats du 3e RI
soldats du 3e R.I., à l'époque où Grangier s'y trouvait

 

groupe de soldats du 3e RI, vers 1904
groupe de militaires du 3e R.I., vers 1904

 

 

 

les derniers jours d'Iwan Grangier

Les derniers jours d’Iwan Grangier peuvent s’imaginer à partir du récit fourni par l’Historique de son régiment. Le 5 juin, le 312e régiment d’infanterie cantonne à Villotte-devant-Saint-Mihiel dans la Meuse, qu’il quitte le 6 pour s’embarquer à destination de Toul (Meurthe-et-Moselle) où il débarque le 7 juin, fait étape le jour même à Griscourt et Villers-en-Haye, à 10 km environ au sud-ouest de Pont-à-Mousson.

Dès le 8 juin, il prend les avant-postes dans le secteur situé entre Fey-en-Haye et Regniéville-en-Haye, sur un front de 1 000 mètres environ, face aux tranchées allemandes qui se trouvent au nord, aux bois de la Rappe, le Fossé et Le Frière, à une centaine de mètres environ.

C’est là qu’il mourut. Mais ni l’Historique ni le J.M.O. ne mentionnent les combats, échanges de tirs ou bombardements. On ne sait pas exactement dans quelles circonstances Iwan Grangier fut touché.

 

Villotte, cantonnement
Villotte-devant-Saint-Mihiel, village du cantonnement (carte écrite par un Poilu)

 

Villotte, fourgon cantine
Villotte-devant-Saint-Mihiel, fourgon cuisine

 

Villotte, la poste
Villotte-devant-Saint-Mihiel, militaires devant la Poste

 

Toul, la gare
débarquement en gare de Toul, le 7 juin 1915

 

traversée de soldats à Griscourt
étape à Griscourt, le 7 juin 1915

 

Griscourt, oct 1915
un bivouac à Griscourt, en octobre 1915

 

Villers-en-Haye, Grande-Rue
étape à Villers-en-Haye (Meurthe-et-Moselle)

 

Villers-en-Haye, Gricourt, carte
Villers-en-Haye, Griscourt et environs (cliquer pour agrandir)

 

Villers-en-Haye, aujourd'hui, panorama
Villers-en-Haye, aujourd'hui (site de la mairie)

 

Diapositive1

 

 

 

 

Jean "Iwan" Grangier est mort à Fey-en-Haye (Meurthe-et-Moselle)

 

Fey-en-Haye, ruines et soldat
le village de Fey-en-Haye : ruines, en 1915

 

Fey-en-Haye, ruines et deux soldats
Fey-en-Haye : ruines après les bombardements

 

Fey-en-Haye, tranchée, la soupe
Fey-en-Haye : tranchée, la soupe

 

Fey-en-Haye, tranchée
Fey-en-Haye : tranchée

 

 

 

la mort de Jean "Iwan" Grangier sans le J.M.O.

 

Diapositive1
ce J.M.O. ne mentionne pas les combats ni les bombardements..., seulement les aléas du personnel militaire

 

 

 

 

 

- retour à l'accueil

3 septembre 2018

Henri de GRASSIN

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

 

 

Henri de GRASSIN

 

 

GRASSIN de Henri, fiche MPLF

 

 

Henri de Grassin est né le 5 octobre 1872 à Bourges (Cher). Il est mort le 19 septembre 1916 à l'hôpital temporaire n° 67 à Chatillon-sur-Seine (Côte d'0r). Il avait quarante-trois ans.

Il est engagé volontaire pour trois ans et effectue son service miltaire d'octobre 1890 à septembre 1893, dans le 10e régiment de Chasseurs.

Il est rappelé à l'armée en février 1915, au 1er régiment d'Artillerie de campagne. En 1916, son régiment est à Verdun, notamment aux Éparges.

Henri de Grassin s'est marié deux fois :

  • avec Antoinette Mayoux (1870-1906), à Lyon (3e arr.), le 5 mars 1898 ;
  • avec Pauline Carton (1872-1963), en 1910.

 

 

fiche matricule de Henri de Grassin

 

Henri de Grassin, fiche matricule (1)

Henri de Grassin, fiche matricule (2)

Henri de Grassin, fiche matricule (3)
fiche matricule de Henri de Grassin, né le 5 octobre 1872

 

 

 

Henri de Grassin appartenait au 1er régiment d'artillerie de campagne

 

8e pièce, 8e batt, 1er Régt Art, recto
les servants de la 8e pièce bis de la 8e batterie du 1er d'Artillerie : Grangier les a-t-il connus ?

 

8e pièce, 8e batt, 1er Régt Art, verso
verso de la carte ci-dessus

 

15e d'Artillerie
les servants d'une batterie (15e d'Artillerie)

 

Verdun, pièce de 120 court, en action
artilleurs près de Verdun

 

 

 

Henri de Grassin est mort à Chatillon-sur-Seine (Côte d'Or),

à l'hôpital temporaire n° 67

 

Chatillon-sur-Seine, hôp temp n° 67
la colonie scolaire du Xe arr. de Paris, à Chatillon-sur-Seine, abrite l'hôpital temporaire n° 67

 

Chatillon-sur-Seine, militaires dans dortoir
carte envoyée en août 1916 : militaires dans un dortoir de la colonie

 

 

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Publicité