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école Sainte-Marie à Saint-Chamond
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29 juin 2018

Paul EYMARD

les 146 anciens élèves de Sainte-Marie morts pour la France, 1914-1918

 

Paul Eymard, portrait

 

 

Paul EYMARD

 

 

EYMARD Paul, fiche MPLF

 

Paul Eymard est né le 27 février 1897 à Lyon 3e (Rhône). Il est mort le 29 octobre 1918 à Banogne (Ardennes). Il avait vingt-et-un ans.

Il est entré au collège Sainte-Marie à la rentrée de 1907.

Il est arrivé au noviciat de Santa Fede (province de Turin, en Italie) en septembre 1914 et y resta jusqu'en décembre 1915.

Paul Eymard fut ensuite incorporé au 97e régiment d'infanterie à Chambéry à partir du 7 janvier 1916. Puis passa au 401e régiment d'infanterie le 30 avril 1917.

Il est tombé dans les combats au sud-ouest de Saint-Fergeux, sur la route de Banogne-Recouvrance à Condé-les-Herpy (Ardennes).

Inhumé d'abord au cimetière militaire de Saint-Germainmont (Ardennes), tombe 48, secteur Château-Porcien (notifié le 16 avril 1921), puis transféré au cimetière national de Rethel (Ardennes), section 1, division 4, rangée 4.

 

 

fiche matricule de Paul Eymard

 

Paul Eymard, fiche matricule (1)

Paul Eymard, fiche matricule (2)

Paul Eymard, fiche matricule (3)
fiche matricule de Paul Eymard, né le 27 février 1897

 

 

 

Sainte-Marie, Livre d'Or, 1914-1918

Paul Eymard
de Lyon
Souvenir d’un ami

I - Au Collège

D’une famille lyonnaise, Paul Eymard entra à Sainte-Marie, en octobre 1907. C’est en sixième et dans la division des petits qu’il fit ses premières armes au collège. On remarqua de suite sur la physionomie du jeune collégien un air de gravité, vraiment étonnante pour son âge. Peut-être faut-il expliquer ce sérieux précoce par les deuils, déjà nombreux, qui avaient attristé pour lui le foyer familial. Il était orphelin de père et de mère et désormais son éducation était confiée à une grand-mère, pour laquelle il eut toujours une profonde vénération : elle était si bien justifiée !

Élève, il se fit remarquer dès la première heure pour son esprit de discipline et son application au travail.

  • «Je me rappelle, nous écrit un de ses condisciples, qu’à la fin de l’année, pour je ne sais quelle cause il s’attira une légère réprimande. C’était la première et la chose parut si extraordinaire que tout le monde, en étude, fut en émoi».

Sa conduite d’ailleurs ne se démentit jamais ; régulier, silencieux, de caractère doux et pacifique, il avait su se faire une véritable autorité. Ses condisciples l’avaient en vénération et le rayonnement de ses vertus était pour eux une prédication constante. On put en juger par les deux faits suivants, dont l’un de ses meilleurs amis nous a rappelé le souvenir.

  • «Un élève, également pieux, faisait tous les soirs une prière au pied de son lit. La chose n’était pas commune ; l’acte était courageux et je m’empressais de l’en féliciter. Il me répondit très simplement : c’est Eymard qui m’a donné l’exemple ; chez les petits, il était mon voisin, il faisait ainsi, j’ai voulu faire de même, et depuis cette époque je n’y ai jamais manqué».
  • «Un autre élève était pour Paul l’ami de la première heure ; il ne tarissait pas d’éloges sur son camarade de seconde : c’est notre petit saint, me disait-il. Si je suis premier cette semaine, je lui donnerai deux francs pour sa caisse des pauvres».

Malheureusement, le cher collégien, si estimé de ses maîtres et de ses condisciples, fut interrompu dans ses études. Pendant deux ans, une crise d’anémie l’obligea à rester à Lyon et à recevoir des soins particuliers dans sa famille. Mais rien ne fut changé de sa vie d’apostolat. Le jeudi il consacra ses soirées au patronage de sa paroisse, et continua par sa correspondance son action féconde sur ses anciens camarades de Sainte-Marie.

Qu’on ne croie pas qu’il ait cherché à s’entourer uniquement de ceux qu’on appelle «les perfections». Apôtre avant tout, il exerçait son zèle auprès de ceux qui avaient le plus besoin de ses conseils. Pour tel condisciple, en particulier, d’un caractère inégal et assez difficile, il fut un mentor de tous les instants ; hélas, lorsque le mentor dut s’absenter, le pauvre camarade n’eut point la raison de se conduire tout seul, comme le demandait la discipline du collège ; ce dernier dut donc partir, le cœur brisé, regrettant, trop tard, les inégalités de son tempérament ; mais plus vive encore fut la douleur de Paul Eymard et longtemps après, il demandait toujours des prières instantes pour cette âme qui lui était chère.

Une autre souffrance, plus profonde et plus vive lui était réservée. En octobre 1913, il perdait sa grand-mère, son dernier soutien sur cette terre, et se trouvait ainsi privé des meilleures affections de sa vie.

Lorsqu’il rentra à Sainte-Marie, ce fut pour redoubler sa classe de première. Il revenait donc, le cœur meurtri, plus grave, plus grave, plus réservé que jamais. Pendant son absence, ses amis de classe s’étaient dispersés, et il eut le sentiment d’une solitude nouvelle, qui ne devait point l’empêcher de reprendre son apostolat du passé.

C’était toujours le même élève irréprochable, appliqué, d’une piété exemplaire. Cette piété l’inclinait vers tout  ce qui appartenait au culte de la Très Sainte Vierge : il se plaisait à préparer son trône pour le mois de Marie dans l’Étude des grands, il était empressé à lui procurer une belle décoration de fleurs, et ne craignait point d’acheter de son propre argent une plante verte dont il était tout heureux de lui faire hommage ; ces attentions étaient celles d’une âme délicate, orientée déjà vers la Société de Marie, et il rêvait d’être l’apôtre de la Très Sainte Vierge comme missionnaire en Océanie.

Aussi s’empressa-t-il, dès cette époque, de se faire affilier à son Tiers-Ordre et d’en réaliser l’idéal, au milieu de ses occupations d’écolier. Chaque matin, d’ailleurs, dans sa communion, il faisait sa provision d’esprit surnaturel et la renouvelait le soir, à la récréation de 4 heures, en se rendant à la chapelle, pour faire une visite au Très Saint Sacrement, suivant une coutume qui resta longtemps en honneur dans la division des grands.

Son année de première s’acheva ainsi sans incident notable. Le mois de juillet arriva et, avec juillet, la période et les émotions des examens. Paul avait travaillé en toute conscience ; il avait le droit d’escompter le succès de ses efforts et tous, maîtres et élèves, le désiraient ardemment.

Cependant, il eut la grosse déception d’éprouver un second échec.

  • «Je revois encore cette scène émouvante, écrit le confident de sa vie de collège. C’était un lundi matin ; la prière venait de s’achever : on avait entendu, par les fenêtres ouvertes de l’étude, passer le premier train du matin : c’était ce train qui devait apporter le Journal de Lyon et, par conséquent, les nouvelles impatiemment attendues. Tous les candidats étaient dans les transes.
    Enfin, le Père supérieur ouvre la porte et il faut avouer qu’il était aussi ému que nous. La lecture des noms des admissibles commence, lentement, par ordre de sections ; des visages s’épanouissent radieux, d’autres s’attristent et des yeux se remplissent de larmes.
    C’est fini ; le Père supérieur replie le journal et un tonnerre d’applaudissements éclate en l’honneur des heureux candidats. Paul était devant moi, collé ; mais il applaudissait plus fort que les autres et l’on voyait sur sa physionomie comme une empreinte de joie surnaturelle, la joie puisée dans la souffrance et le sacrifice. Il semblait heureux de souffrir.
    Dès que le Père préfet eut donné Deo Gratias pour permettre aux nerfs de se détendre, il vint me trouver et me dit : Maintenant, c’est bien certain, je partirai au noviciat dès cette année. Je vais prendre le train pour Lyon de matin, et je ferai ma demande immédiatement».

Ainsi, au milieu de la joie et de la peine des autres, au milieu de sa propre tristesse, il ne songeait qu’à une chose, se donner à Dieu !

Il le fit en priant les premiers supérieurs des Maristes de le recevoir dans cette Société qu’il aimait déjà ardemment. Attiré par le nom de la Très Sainte Vierge, il réalisait enfin la devise qu’on trouvait déjà inscrite en tête de tous ses cahiers : «Aller à Jésus par Marie».

 

II - Paul Eymard au noviciat

C’était donc décidé, Paul serait mariste. Avec plusieurs jeunes gens de la région lyonnaise, il devait partir pour Santa Fede (1), le 14 septembre. Il était tout à la joie des préparatifs de départ ; la soutane était faite ; au mois d’août, il irait à Lourdes, et ensuite il gagnerait l’Italie.

Mais survient le décret général de mobilisation. Allait-il pouvoir réaliser son projet ? Certes, il était trop jeune encore pour songer à prendre une part active à la guerre ; le plus sage était de se rendre à l’appel de Dieu et de partir au noviciat. On devine cependant qu’au milieu de telles circonstances la séparation apparaissait plus douloureuse, plus crucifiante pour la nature. Il lui fallait, en particulier, dire adieu à une sœur tendrement aimée, qui depuis quinze jours ne savait rien sur le sort de son jeune mari, parti dès la première heure au front de l’armée.

  • «Malgré cela, je le trouvais calme, extérieurement impassible. Il avait revêtu la soutane. Je le voyais pour la première fois dans le costume ecclésiastique. D’une taille au-dessus de la moyenne, très maigre, la figure allongée, il semblait concentrer toute sa vie dans ses yeux très grands et très noirs. On y lisait tout son désir de se donner pleinement à Dieu et il voulait se donner par l’amour et la douleur. Telle sera désormais sa devise : il allait la vivre tout entière dès son entrée au noviciat».

Et ce n’était point en vain qu’il formulait déjà cette belle prière : «Mon Dieu ! je n’ai d’autres âmes à vous offrir que la mienne. Burinez-la, travaillez-la, brisez-la, broyez-la, pourvu que vous soyez aimé… Me sacrifier en silence, souffrir, inconnu du monde, souffrir pour les âmes sans qu’elles le sachent…»

Il y avait à peine deux jours qu’il était à Santa Fede, lorsqu’une lettre vint lui apporter la nouvelle de la mort de son beau-frère, décédé à Lunéville des suites de ses blessures. Il est probable qu’il fit alors de suite ce qu’il disait un jour dans un pieuse confidence : «Lorsque le Bon Dieu me donne un croix, je cours vite le remercier».

Avec de telles dispositions, il gagna vite au milieu de ses jeunes confrères l’ascendant qui s’attache toujours à la vertu. Frère Eymard fut de suite considéré comme un modèle. À côté de lui on avait le sentiment de se trouver auprès d’une âme peu ordinaire. Parfois cependant on aurait pu lui reprocher son excessive gravité. Alors que la gaieté et même le rire sont la caractéristique habituelle des jeunes novices et même des meilleurs, il avait de la peine, en maintes circonstances, à partager l’hilarité commune. Il le savait d’ailleurs et cherchait à combattre cette tendance avec une réelle énergie, puisqu’elle constituait à ses yeux un véritable défaut et un défaut susceptible parfois d’altérer la perfection de la charité.

Cette charité cependant, alimentée par une piété des plus ardentes, faisait l’édification de tous. Frère Eymard aimait à se dépenser pour les autres ; on le voyait toujours prêt à accompagner les confrères invalides, à accepter toutes les corvées, à prendre pour lui les charges qui plaisaient moins aux autres, à saisir les occasions de rendre service. Tout cela, il le faisait avec une telle délicatesse qu’il était difficile de résister à ses avances. Il avait l’art de parler au cœur plus par ses procédés que par son langage. C’est le secret des âmes saintes et pures de s’insinuer doucement par ces industries que la délicatesse suggère, avec un sens exquis des caractères et des circonstances.

Parfois aussi il laissait échapper le trop plein de son cœur, mais c’était toujours pour provoquer à une nouvelle ascension de l’âme, et à un redoublement d’amour de Dieu.

  • «Pendant les vacances, nous écrit son jeune confrère, le jeudi matin, nous partions ensemble pour une promenade plus longue. Nous emportions la vie d’un saint et notre matinée passait bien vite, sur les hauteurs ensoleillées de Montferrat, occupés que nous étions à parler du Bon Dieu et du bonheur goûté à son service».

Mais une nouvelle épreuve permit encore d’apprécier toute sa vertu, tout son amour vraiment héroïque du sacrifice. C’était le lendemain de sainte Anne. Une lettre venue de France lui apprenait que son frère avait été grièvement blessé. Un sac de grenades avait éclaté entre ses mains ; celles-ci avaient été emportées ; il était aveugle et son corps n’était qu’une plaie. Les nouvelles données par l’aumônier étaient des plus pessimistes.

Paul cependant, avec une force de volonté peu ordinaire, dissimula son grand chagrin. Pendant tout le congé qui eut lieu ce jour-là, il conserva son attitude habituelle, et s’il ne parut point très gai, du moins se montra-t-il toujours aimable, empressé, sans rien perdre de sa sérénité, alors que les plus vives appréhensions torturaient son âme.

Le lendemain, avant la messe, le P. Maître lui apporta une lettre de sa sœur arrivée la veille. Tout autre que lui aurait déchiré fiévreusement l’enveloppe pour connaître les nouvelles. Mais il jugea qu’il était bon de dominer ce mouvement de la nature. Après avoir attendu un long moment, maître enfin de son émotion, il se décida à l’ouvrir. Elle lui apportait une lueur d’espoir. Son frère Georges était mieux. Les organes essentiels n’avaient pas été atteints  on espérait le sauver.

Paul put donc descendre au Saint Sacrifice, le cœur tout réconforté. À la récréation, il fit part à ses confrères de cette heureuse nouvelle, et chacun s’en réjouit avec lui. On désirait tant qu’il ne fût point encore éprouvé par un nouveau deuil.

  • «Mais vers dix heures, nous raconte son jeune confrère, je me dirigeais vers la chapelle. Qu’est-ce que je vois, près de la porte, agenouillé vers la septième station du Chemin de la Croix ? Mon pauvre Frère Eymard. À ma vue, il se lève, les yeux remplis de larmes, les traits décomposés, il me dit simplement : il est mort ! Priez pour lui.
    Que dire en face d’une si profonde douleur ? Je me mis à prier à mon tour. Son frère Georges était mort pour la France, horriblement mutilé, mais réconforté jusqu’à la fin par les secours de la religion : il les avait reçus avec une foi admirable».

Quant à Paul, le premier cri de son cœur avait été le Magnificat, mais après il put pleurer et comme il pleura ! Sa douleur faisait peine à voir. Cependant, comme le soir de cette triste journée il y avait eu promenade et que son chagrin l’avait absorbé tout entier, il demanda pardon à ses confrères d’avoir été un compagnon importun et cette excuse sur ses lèvres était l’expression d’un sentiment sincère.

Ainsi, à partir de ce jour, Paul se trouvait presque le seul survivant de sa famille, tous les siens, sauf sa sœur aînée, avaient disparu. Désormais, il pouvait regarder le ciel avec de plus vives aspirations et y attacher plus fortement son âme ardente.

Cependant, dès cette époque même, il sembla moins rêver de sacerdoce et d’Océanie et songea davantage au sacrifice de la vie militaire, vers laquelle le portèrent, avec une insistance visible, les désirs de son cœur.

C’est alors qu’il passa le conseil de révision de la classe 1917 ; et tandis que l’on espérait, vu son état maladif, le garder encore au noviciat, il fut déclaré bon pour le service. Toutefois il resta à Santa Fede jusqu’en décembre 1915 et à cette époque seulement il rentra en France.

Pendant un mois il partagea son temps entre sa famille et ses confrères. On le revit à Sainte-Marie pour la fête du 8 décembre. Il était heureux de revoir ses anciens maîtres, de retrouver ses anciens condisciples. Qui aurait pu penser alors qu’il ne reverrait plus son collège ? Ses diverses permissions ne l’autorisèrent point à revenir à Saint-Chamond, et quand il fit ses adieux en 1915, c’était pour toujours.

 

III - L’armée

Avec une âme aussi délicate et sensible que la sienne, Paul Eymard eut à souffrir de son premier contact avec la caserne. Il faut avouer d’ailleurs que pour ses débuts il était mal tombé. Dans sa chambrée, au 97e à Chambéry, deux de ses camarades étaient condamnés à la prison comme déserteurs ; un troisième essayait de s’empoisonner. Joignez à cela, la privation des offices et de la messe, même le dimanche, dans les premières semaines de son installation.

En faut-il davantage pour faire comprendre les souffrances du «jeune conscrit» ? Aussi comme elles étaient impatiemment attendues les heures où, libre de tout service, il pouvait se rendre à l’église. Là, dans l’ombre pleine de mystère d’un coin de la tribune, il s’armait d’une force toute surnaturelle pour remplir en toute conscience et avec un scrupule minutieux chacune des obligations de sa vie nouvelle.

Cette conception du devoir lui permit de garder entière sa ferveur de novice mariste. Ses lettres semblent même accuser une ascension progressive de piété et de détachement. D’ailleurs, à chacune de ses permissions, il aimait à se retremper dans l’esprit religieux soit à Lyon, à l’ombre du sanctuaire de Notre-Dame de Fourvière, soit même en Italie où il était heureux de retrouver le berceau même de sa vie religieuse, les impressions fortifiantes du passé et tous les éléments d’une provision renouvelée de vie surnaturelle.

Après avoir achevé son instruction militaire, à Châteauneuf-du-Rhône, il fut dirigé vers le front de Lorraine d’abord et de la Somme ensuite. Petit à petit, il se rapprochait des tranchées et c’est en plein front de bataille que nous le trouvons, au mois d’août 1917. À voir ce jeune soldat, presque fier de son uniforme, avec une certaine allure martiale de vrai combattant, qui pourrait soupçonner qu’il a devant lui un religieux - avec l’âme fraîche et délicate du novice - consciencieux jusqu’au scrupule pour traduire dans chacun de ses actes un idéal de céleste perfection ?

Il était à peine arrivé dans la tranchée qu’il fut lancé à un assaut à la baïonnette et couché par une balle sur le champ de bataille à Hurtebise. La blessure était grave sans être mortelle. On le relève immédiatement pour le diriger sur un centre sanitaire.

C’était la nuit ; les blessés s’alignaient de plus en plus nombreux ; devant eux passaient et repassaient les infirmiers, préoccupés de découvrir les plus malades, lorsque par une aimable attention de la Providence, il voit s’arrêter devant lui un de ses confrères, le P. Poncet, un ancien de Sainte-Marie, lui aussi tout heureux de pouvoir prodiguer ses soins et son affection à ce cher blessé. Conduit immédiatement à la salle d’opération, il est pansé avec la plus entière sollicitude ; la balle, en l’atteignant, avait brisé une côte, mais sans toucher à d’autres organes. On put donc, après quelques jours de repos, le diriger sur une ambulance de l’arrière, à Chartres.

Là encore il s’estimait l’heureux privilégié de la Très Sainte Vierge. N’était-il pas installé à la maîtrise même de la cathédrale, tout près de la résidence de confrères maristes qui lui prodiguèrent leurs attentions vraiment maternelles ? Autour de lui, on n’eut point de peine à découvrir l’âme d’élite du «petit blessé» et des témoignages d’admiration arrivèrent jusqu’à ses premiers supérieurs. «Comme on vous envie un pareil sujet !» disait-on pour traduire ce sentiment d’estime, si bien justifié.

Lorsque la convalescence fut achevée, on l’envoya rejoindre son dépôt en Bretagne d’abord, à Rennes ensuite, puis à Saint-Aubin-du-Cormier. Sur cette terre si franchement chrétienne, il trouva un meilleur milieu et goûta quelques semaines de bonne tranquillité, rendues plus agréables encore par des pèlerinages multipliés à Notre-Dame d’Espérance de Saint-Brieuc ou à Notre-Dame de Pontmain.

Vint enfin le moment où il fut envoyé au camp du Ruchard, en Touraine, pour y suivre les cours des élèves chefs de section, et de là, au front, dans un secteur plutôt tranquille ; son régiment était alors au repos dans l’Oise ; il le suivit en Lorraine puis dans les Ardennes.

Désigné de suite à l'attention et à la confiance de ses chefs, il dut remplir les fonctions de caporal-fourrier. De ce fait, nous le considérions comme désormais plus à l’abri des accidents de la guerre. C’était l’époque où les Allemands étaient refoulés sur toute la ligne ; nos armées avançaient pleinement victorieuses, lorsqu’un jour, le 28 octobre, une attaque imprévue des Allemands l’obligea à laisser ses livres de comptes et à prendre un fusil. Il marchait vaillamment à côté de son lieutenant ; mais il n’eut pas le temps d’aller bien loin. Une balle vint le frapper en plein cœur. Paul tomba, inerte ; il était mort, sans bruit, comme il avait vécu, au poste du devoir.

L’aumônier du 410e R.I. donne sur sa fin les détails suivants :

  • «La compagnie progressait lentement sous le feu de l’ennemi. Les mitrailleuses battaient une route que le petit groupe dut traverser. Un soldat tomba d’abord, blessé à la jambe. Paul se porta à son secours pour lui enlever son sac et l’alléger de ce poids inutile. C’est à ce moment qu’il fut à son tour atteint d’une balle en pleine poitrine. Il dit à son lieutenant : «Je suis touché» et s’affaissa. Des camarades prirent son corps pour l’abriter derrière le remblai de la route et lui faire un pansement, mais il avait déjà cessé de vivre, et sa belle âme toute angélique était montée au ciel. Il est mort en accomplissant un acte de charité, et deux jours avant l’attaque, il m’avait demandé l’absolution et s’était confessé, comme il le faisait toujours, avec une piété profonde et les sentiments de la plus absolue confiance en Dieu.
    Ce triste événement s’est produit le 29 octobre, sur la route qui conduit de Recouvrances à Condé-les-Herpy (Ardennes).
    Son corps a été inhumé en terre bénite, à Saint-Germainmont, dans le cimetière militaire, situé à 300 mètres de la Sucrerie. Les soldats de sa compagnie, comme ses chefs, qui professèrent pour lui une estime respectueuse, ont été profondément attristés par la mort de ce pauvre enfant. On me fit prévenir aussitôt. Je me rendis en hâte auprès de son corps pour réciter un De profundis et un Memorare, car la Sainte Vierge, pour qui Paul avait une si tendre dévotion, était certainement venue déjà reprendre l’âme de son fidèle serviteur pour l’introduire auprès de son Divin Fils.
    J’ai perdu en lui non seulement un précieux auxiliaire, mais un véritable ami avec qui il était si doux et tout naturel de parler des choses de Dieu. J’espérais tant que le Bon Dieu nous le laisserait, car il nous faudra de saints prêtres après la guerre, pour combler les vides et travailler hardiment à l’évangélisation de notre cher pays. Sa bonté et sa sagesse en ont jugé autrement, en le réservant pour être du nombre des dernières victimes, de celles qui devaient descendre achever notre rédemption et nous mériter la victoire. Fiat !»

En achevant cette esquisse, nous nous rappelons la belle image de Louis Veuillot sur la guerre : «La grande charrue du Bon Dieu a passé à travers le monde en creusant, en tous sens, d’innombrables sillons pour le grain éternel», et nous nous prenons à souhaiter de toute notre âme que d’autres ouvriers se préparent pour la moisson toujours prête à lever. Nos glorieux morts demandent à être remplacés par des âmes aussi vaillantes, aussi généreuses. C’est aux jeunes d’aujourd’hui qu’il appartient d’écouter cette voix d’outre-tombe, cette voix du ciel.

 

1 - Santa Fede est une abbaye située près du village de Cavagnolo dans le Piémont (province de Turin, Italie).

 

 

Paul Eymard, brochure, page titre

 

 

 

 

Paul Eymard a été novice à Santa Fede (Piémont, Italie)

 

Sante Fede, Cavagnolo
noviciat de Santa Fede, Cavagnolo, province de Turin

 

Santa Fede, Cavagnolo (2)
noviciat de Santa Fede, Cavagnolo, province de Turin

 

convitto Sante Fede, Cavagnolo
convitto (internat) de Santa Fede

 

Santa Fede (1)
convitto de Santa Fede (source)

 

Santa Fede (2)
abbaye de Santa Fede (source)

 

 

 

Paul Eymard a été blessé à Hurtebise (Aisne) le 27 août 1917

La ferme d'Hurtebise se trouve à l’extrémité est du plateau du Chemin des Dames, dans l'Aisne. C'est un point stratégique très disputé au cours de la guerre. Elle est située sur le territoire de la commune de Bouconville-Vauclair.

Paul Eymard y a été blessé le 27 août 1917, touché par une balle. Les circonstances précises ne sont pas établies, son régiment n'ayant pas laissé de J.M.O. pour cette période.

 

ferme d'Hurtebise, avant la guerre
la ferme d'Hurtebise, avant la guerre

 

Ferme d'Hurtebise, ruines, juin 1915
ruines de la Ferme d'Hurtebise, juin 1915, photo allemande

 

ferme d'Hurtebise, Chemin des Dames
champ de bataille à Hurtebise

 

Bouconville, juin 1917, photo allemande
explosion à Bouconville, juin 1917, photo allemande

 

ferme d'Hurtebise, carte IGN 1950, légendé (1)
localisation de la Ferme d'Hurtebise par rapport au Chemin des Dames (carte IGN 1950, Géoportail)

 

ferme d'Hurtebise, carte IGN 1950, légendé (2)
la Ferme d'Hurtebise, à l'ouest de Craonne (carte IGN 1950, Géoportail)

 

ferme d'Hurtebise, juillet 2012
la ferme d'Hurtebise aujourd'hui (juillet 2012) ; elle a été reconstruite à l'identique après la guerre

 

Ferme d'Hurtebise, mai 2013
la ferme d'Hurtebise, mai 2013

 

 

 

il est ensuite envoyé à Chartres

La notice du Livre d'or relate qu'après avoir été soigné, Paul Eymard fut envoyé à l'arrière : «On put donc, après quelques jours de repos, le diriger sur une ambulance de l’arrière, à Chartres. Là encore il s’estimait l’heureux privilégié de la Très Sainte Vierge. N’était-il pas installé à la maîtrise même de la cathédrale, tout près de la résidence de confrères maristes qui lui prodiguèrent leurs attentions vraiment maternelles ?»

 

Chartes, maîtrise de la cathédrale
Chartes, maîtrise de la cathédrale ; carte postée le 31 décembre 1917

 

 

 

après sa convalescence, il fut envoyé au camp de Saint-Aubin-du-Cormier

(Finistère)

 

Saint-Aubin-du-Cormier (1)
le camp de la lande d'Ouée à Saint-Aubin-du-Cormier (Finistère) ;
l'image date d'avant la guerre mais la carte a été postée en juin 1915

 

Saint-Aubin-du-Cormier (3)
le camp de la lande d'Ouée à Saint-Aubin-du-Cormier : les baraquements, avant la guerre

 

Saint-Aubin-du-Cormier (4)
le camp de la lande d'Ouée à Saint-Aubin-du-Cormier ; carte postée en novembre 1914

 

Saint-Aubin-du-Cormier (2)
le grand étang d'Ouée près du camp militaire

 

 

 

Paul Eymard est mort sur la route de Banogne à Condé-les-Herpy (Ardennes)

 

Diapositive1
offensive de Champagne, deuxième quinzaine d'octobre 1918 (carte AFGG)

 

mort de Paul Eymard, carte
le lieu de la mort de Paul Eymard le 29 octobre 1918 (carte AFGG)

 

route de Banogne au hameau de Recouvrance (1)
route de Banogne au hameau de Recouvrance, août 2012

 

route de Banogne au hameau de Recouvrance (2)
route de Banogne au hameau de Recouvrance, août 2012

 

 

 

 

Paul Eymard est enterré dans la nécropole de Rethel

 

nécropole de Rethel (3)
nécropole nationale de Rethel (Ardennes)

 

nécropole de Rethel (1)
nécropole nationale de Rethel (Ardennes)

 

nécropole de Rethel (2)
nécropole nationale de Rethel (Ardennes)

 

 

 

 

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